Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Féternes — 20 février 1944 : Rafle milicienne du 20 février 1944

Le Dimanche 20 février 1944, à Féternes nous nous souvenons des événements marquants de la Seconde Guerre mondiale et rendons hommage à celles et ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté. En cette journée de commémoration, nous réaffirmons l’importance du devoir de mémoire, afin que les horreurs de ce conflit ne sombrent jamais dans l’oubli et que la paix continue d’éclairer notre avenir.
Féternes — Plaque commémorative des événements du 20 février 1944

Histoire

Le 20 février 1944, dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre, la Milice est à FÉTERNES, village où la Résistance est active. Dans cette commune les F.T.P. ont installé le poste de commandement du 1er  bataillon FTP du Chablais. Depuis plusieurs semaines le bataillon est placé sous les ordres de Maurice Flandin-Granget, dit Blanchard.

L’activité menée par les miliciens dans cette partie du département illustre combien les résistants du Chablais ont souffert de la présence de miliciens du cru. Peut-être pas très nombreux, ils se sont révélés d’une redoutable efficacité, étant bien implantés dans le tissu social local.

Certes, la Résistance était active dans cette région. Des groupes de FTP (Francs-Tireurs et Partisans) s’étaient formés. Maurice Flandin-Granget, métallurgiste à Villeurbanne, s’était engagé dans les FTP sous le nom de Blanchard. Le 20 février 1944, il commandait le premier bataillon FTP du Chablais depuis son PC à Féternes.

L’attaque de la Milice

Avant l’aube, sous le commandement de Joseph di Constanzo, venu spécialement d’Annecy, la Milice de Thonon, appuyée par un peloton de GMR (Groupes Mobiles de Réserve) et un important contingent milicien, investit Féternes et les villages environnants. Les habitants sont réveillés brutalement, rassemblés sur la place de l’église, tandis que les maisons sont fouillées.

Des maquisards présents dans la commune, pris par surprise et cernés, opposent une résistance courageuse. Au hameau de Flon, Yvon Ruphin abat un milicien avant de réussir à décrocher. D’autres, moins chanceux, paient leur engagement de leur vie :

  • René Bernicot, 20 ans, originaire de Madagascar, grièvement blessé, est fusillé au hameau de Vougron.
  • André Martin, originaire de Saint-Étienne, est fusillé au hameau de Flon après avoir été traîné, blessé, dans les rues du village, attaché au bout d’une corde.
  • Riquet Rosnoblet, bien que blessé, parvient à s’échapper.

Exactions de la Milice

Pendant ce temps, les miliciens rassemblent la population le long du mur de l’église. Edmond, 17 ans à l’époque, témoigne :

  • « Les hommes sont restés contre le mur de l’église jusqu’à 18 heures. À Féternes-Vieux, nous avons été enfermés au café Echernier jusqu’à l’arrivée des miliciens avec des cars. L’un d’eux faisait le tri : “Toi, tu vas à Thonon, toi, tu rentres chez toi.” Pendant ce temps, des maisons étaient incendiées. »

Maurice Flandin-Granget est arrêté avec plusieurs habitants. Vers 15 heures, René Beucher, un jeune réfractaire, ayant subi d’atroces tortures, tente de fuir mais est abattu. Les perquisitions et brutalités se poursuivent.

Sophie Decurninge témoigne devant la Commission d’épuration :

  • « Arrivé devant la porte, il jeta un grand coup de crosse dans la fenêtre en hurlant : “Où est cette salope ? Au poteau, qu’on la fusille !” Ils ont envahi ma maison et m’ont traînée par les cheveux avec mes cinq enfants. En quelques instants, nous étions tous alignés contre un mur, les bras en l’air, attendant notre dernière heure. Fillon et son frère, fous de rage, ne ménagèrent ni les coups de pied ni les coups de poing… »

Son fils Louis, 14 ans, prend la fuite à travers champs sous les balles. Il s’effondre dans la neige et échappe miraculeusement à la mort. Rejoint par les miliciens, il est frappé violemment. Sa sœur est emmenée brutalement, accusée d’avoir soigné des résistants.

Les arrestations et la déportation

Au soir du 20 février, trente-deux personnes sont arrêtées, parmi lesquelles :

Le 5 mars 1944, vingt d’entre eux sont transférés à Annecy, puis envoyés au centre de séjour surveillé de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), considérés comme “indésirables”. Beaucoup sont ensuite déportés vers Compiègne et les camps de concentration nazis.

Maurice Flandin-Granget, reconnu comme chef de la Résistance locale, subit un supplice effroyable aux mains de la Milice :

  • “N’en cherchez pas d’autres ! C’est inutile. Moi seul suis le chef.”

Tenu sous la torture, il ne livre aucun nom. Son calvaire dure jusqu’au 22 février 1944, date à laquelle il succombe, le crâne ouvert, les côtes brisées, les mains brûlées, sous les yeux de son épouse, contrainte d’assister à son agonie. Son cadavre est ensuite piétiné par ses bourreaux.

Le chef milicien Joseph di Constanzo est identifié comme le principal responsable de cette barbarie.

Destins tragiques des déportés

Parmi les résistants arrêtés ce jour-là :

Marcel Boujard, envoyé à Buchenwald, est transféré à Mauthausen où il meurt le 30 avril 1945. René Beucher, après avoir été transféré de prison en prison, meurt dans le “Train de la Mort” le 2 juillet 1944, en route vers Dachau. John Marius Coppier, déporté à Buchenwald, survit jusqu’au 14 avril 1945. Albert Boujard et Marie-Edmond Boujard sont internés au Kommando Gazel, une mine de sel, avant d’être libérés le 12 avril 1945.

Une répression organisée et assumée

Le Secrétaire général du Maintien de l’Ordre, venu inspecter les forces miliciennes, insiste sur “la nécessité de leur rôle”. Il tente de masquer la collaboration évidente entre la Milice et l’occupant allemand. Les arrestations se poursuivent encore plusieurs semaines.

  • Le chef Darnand, leader de la Milice, avait pourtant averti ses hommes :
  • “Ne faites rien qui puisse vous être reproché plus tard !”
  • Un euphémisme dérisoire face à la barbarie orchestrée ce jour-là.

Hommage aux martyrs de Féternes

Malgré la violence de la répression, la Résistance du Chablais ne faiblit pas. Les habitants de Féternes subiront une nouvelle vague d’arrestations le 20 mai 1944. Beaucoup ne reviendront jamais.

Aujourd’hui, les noms de Maurice Flandin-Granget, André Martin, René Bernicot, Léon Pierre Bez et tant d’autres restent gravés dans la mémoire collective, témoins du prix du combat pour la liberté.

Les habitants de Féternes subissent une nouvelle vague d'arrestations le 20 mai suivant, ajoutant d'autres noms au martyrologue de cette commune résistante.

Michel Germain

Les victimes

Isidore François MARTIN dit André MARTIN, né le 1er  mars 1917 à Saint-Étienne (42) est fusillé au hameau de FLON, après, selon certains témoignages, avoir été trainé dans le village au bout d'une corde alors qu'il était blessé.

René BERNICOT, né le 10 juin 1924 à TAMATAVE (Madagascar) est fusillé au hameau de Vougron. Tous deux seront dans le cimetière communal de Féternes le 22 février.

Maurice Flandin-Granget, dit Blanchard, né le 1er  février 1900 à TENAY (01), chef de bataillon F.T.P.F., meurt sous la torture, sous les yeux de sa femme, dans les caves du Savoie-Léman, le 21 février 1944.

Julien Mouille, né le 17 avril 1925 à Thonon-les-Bains (74), arrêté, il est traduit devant la cour martiale expéditive de Vichy dans la nuit du dimanche eu lundi 20 mars 1944 et condamné à mort. Il est fusillé le 20 mars 1944. Près des fours à chaux de Sévrier (74) et inhumé au cimetière de LOVERCHY (74).

Léon Pierre-Bez, né le 18 mars 1920 à Seyssel (74), arrêté, détenu au Savoie-Léman avant d'être envoyé à la prison Saint-Paul à Lyon. Le 29 juin 1944, il est déporté en Allemagne, au camp de concentration de Dachau puis transféré au camp de Buchenwald. Il décède le 12 décembre 1944.

René Beucher, né le 31 octobre 1923 à Paris (75), arrêté à Féternes, maltraité, torturé, il tente de fuir. On lui tire dessus. Blessé il est emmené au Savoie-Léman puis transféré à l'intendance à Chambéry et il connaît les prisons de Chambéry, Saint-Paul de Lyon et la centrale de Blois avant d'être envoyé à Compiègne. Il meurt le 2 juillet 1944 dans "le Train de la Mort" , lors de son transfert vers Dachau.

Marcel Boujard, né le 9 juillet 1900 à Féternes (74), arrêté, détenu au Savoie-Léman puis à l'Intendance à Annecy, il est envoyé le 2 mars 1944 au camp de Saint-Sulpice la Pointe (Tarn). Le 29 Juillet 1944, il est déporté au camp de concentration allemand de Buchenwald puis à celui de Mauthausen (Autriche) ou il meurt le 30 avril 1945.

Albert Edmond Boujard, son fils Marie-Edmond Boujard et John Marie Coppier, auront la chance de survivre à la déportation.

mémorial

SOURCE : Mémorial de l'oppression, fonds du service du Mémorial de l'oppression et de la délégation régionale du Service de recherche de crimes de guerre ennemis (SRCGE), 1940-1944 : 3808 W1446 — Le fonds du Mémorial de l'oppression rassemble les archives produites par le service du même nom, rattaché au commissariat de la République de la région Rhône-Alpes. Ce service devient, par ordonnance du 14 octobre 1944, la “délégation régionale du Service de recherche des crimes de guerre ennemis (SRCGE)”, dépendant du ministère de la Justice.

Lieux de mémoire en lien
avec cette commémoration
commemoration  Plaque de la rafle du 20 février 1944

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Féternes • Dimanche 20 février 1944

commemoration  Plaque André Martin

Plaque André Martin

Féternes • Dimanche 20 février 1944

Devoir de mémoire

La Seconde Guerre mondiale a marqué l’histoire de l’humanité par sa violence et ses tragédies. Entre 1939 et 1945, des millions de personnes ont été touchées par ce conflit d’une ampleur sans précédent, bouleversant des vies et remodelant des nations. Aujourd’hui, nous nous rassemblons pour rendre hommage aux victimes, aux résistants, aux soldats et à tous ceux qui ont souffert durant ces sombres années. En commémorant ces événements, nous nous souvenons de l’importance de la paix, de la liberté et du devoir de mémoire, afin que les leçons du passé continuent de guider notre avenir.

Les commémorations
sur la commune de Féternes
commemoration : Féternes — 20 février 1944 : Rafle milicienne du 20 février 1944

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