Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Le résistant Henri Jacquemard décoré de la Légion d'honneur

Henri Jacquemard, médaillé de Chevalier de la Légion d’honneur. Ce résistant défenseur du travail de mémoire est aussi le dernier rescapé du massacre du château d’Habère-Lullin dans la nuit du 25 au 26 décembre 1943.

Lors d’une cérémonie émouvante, Henri Jacquemard s’est vu remettre la médaille de Chevalier de la Légion d’honneur. Ce résistant défenseur du travail de mémoire est aussi le dernier rescapé du massacre du château d’Habère-Lullin dans la nuit du 25 au 26 décembre 1943.

Henri Jacquemard, entouré de membres de sa famille, attend tranquillement le début de la cérémonie, dont il est le protagoniste principal. Il va recevoir la médaille de Chevalier de la Légion d’honneur. Point d’orgue d’une vie remplie de tragédies, de courage, d’enseignement, d’abnégation et de transmission de la mémoire.

Henri Jacquemard est né le 12 septembre 1925 à Habère-Lullin, un lieu à jamais relié au massacre de 25 jeunes à l’occasion d’un bal clandestin organisé dans le château, dans la nuit du 25 au 26 décembre 1943. Il a alors 18 ans et fait partie des participants. À 96 ans, il est le dernier rescapé de ce massacre.

Mardi 13 avril, en mairie de Ville-la-Grand, c’est son ami Jacques Louet qui en a fait la demande et qui lui remet la Légion d’honneur. Dans le salon des Mariages, il y a les deux filles de “Riri”, son épouse Juliette, son petit-fils Olivier, qui vient exprès de Singapour pour l’événement, son gendre, mais aussi des membres de l’association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance (ANACR 74), le sous-préfet de Saint-Julien Jean-Luc Blondel représentant le préfet Alain Espinasse, ou Jean-Claude Cottet le fils de Joachim Cottet qui était présent à Habère-Lullin, rescapé des camps et qui ne s’en remettra jamais tout à fait.

Impliqué auprès des plus jeunes

« Vous vous êtes toujours impliqué auprès des plus jeunes mais aussi lors de cérémonies. Vous étiez à la commémoration du charnier de Ville-la-Grand en 2018, vous avez été un porte-drapeau fidèle pendant de longues années », a rappelé Nadine Jacquier maire de Ville-la-Grand.

Jacques Louet a pris le relais, relatant brièvement la carrière d’Henri Jacquemard. « Il voulait que je fasse court, il est discret et n’aime pas trop les honneurs », a-t-il précisé. « Mais je suis heureux de te remettre cette croix de Chevalier de la Légion d’honneur. Bravo Henri pour ton courage et la transmission du devoir que tu prodigues aux jeunes. » Une remise sans bise mais à travers son masque, Henri Jacquemard exprime toute sa gratitude. Il ne dira qu’un merci, ému par tant d’honneur.

C’est sa fille Marie-Claude Jolivet qui a donné les grandes étapes de sa vie de résistant : la nuit du drame, son évasion en sautant du train, sa prise de contact avec le maquis, son engagement au bataillon Emile-Millet puis à la Cie autonome FTP 93-24, sa participation à la libération d’Annemasse, de Saint-Cergues, de Machilly et de Saint-Jean-de-Maurienne. Après la guerre, il redevient menuisier, s’installe à Chamonix avec Juliette (épousée le 13 janvier 1951, il y a 70 ans). En 1958, il s’installe définitivement à Cornières à Ville-la-Grand, travaillant comme caviste aux établissements Vignali jusqu’à sa retraite en 1985. Henri Jacquemard a aussi un bénévole à la foire au bouilli pendant 20 ans avec Juliette.

Longtemps porte-drapeau, il reçoit en 2003 le diplôme d’honneur de porte-drapeau des mains du secrétaire d’État aux anciens combattants. Il demeure toujours le président d’honneur de l’Anacr (comité Annemasse-Genevois).

« Cette médaille est méritée »

Son engagement auprès des établissements scolaires a été total, participant chaque année aux sentiers de la mémoire à Plaine Joux. « Il est le dernier témoin de la tragédie d’Habère-Lullin. Malgré le froid et la neige, il est toujours présent à la cérémonie du château. »

Thierry Loron, président de l’Anacr Annemasse-Genevois a ensuite évoqué son grand frère. « La première fois que je l’ai vu à Plaine Joux, il était entouré de 50 enfants, qui l’écoutaient religieusement. Cette médaille est méritée, pour que l’Histoire ne tombe pas dans l’oubli. » Jean-Luc Blondel a rappelé qu’il avait su faire d’une expérience négative, une expérience positive. Évidemment, dès que les conditions sanitaires le permettront, une manifestation sera organisée en son honneur.

Une fuite salvatrice

Le massacre d’Habère-Lullin est un crime de guerre perpétré par des policiers allemands, le jour de Noël 1943 dans le but de briser l’organisation de la Résistance et de marquer les esprits. Il a eu lieu à l’occasion d’un bal dans le château d’Habère-Lullin et causé la mort de 24 jeunes hommes (et le fruitier local) ainsi que de 6 autres morts qui ne reviendront pas de déportation (deux déportés survivront). Dans la grande salle du château, il y a une cinquantaine de jeunes filles et garçons. Ceux qui ne périssent pas dans le massacre sont d’abord incarcérés, à la prison du Pax à Annemasse, siège de la Gestapo locale. Il y a 17 garçons et 9 filles (libérées au bout de quatre jours). Henri Jacquemard se retrouve au Pax. Les plus de 20 ans, au nombre de 8, partent vers les camps, les plus jeunes sont enrôlés pour le STO. Après le Pax, Henri Jacquemard est transféré à la prison Saint-François à Annecy, d’où il doit partir dans une usine de filature à Leipzig comme travailleur. Dans le convoi qui l’emmène, il fausse compagnie à ses gardiens et saute du train à Saint-Rambert-en-Bugey avant de revenir en Haute-Savoie pour prendre le maquis. À la Libération, le 2 septembre 1944, des résistants des Forces françaises de l’intérieur exécuteront 40 prisonniers allemands, dans le même village…

Sabine PELLISSON, 14 avril 2021