Le Souvenir Français
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Il y a 80 ans, il partait à la recherche du corps du résistant Marius Cochet

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Lionel Martin s'est rendu à Morette, notamment pour rendre hommage à Marius Cochet, alias Franquis, son frère d’armes tué aux Rousses, dans le Jura. C’est à Lionel Martin que l’on doit sa présence ici. Ayant appris sa mort en 1944, il est allé avec quelques-uns récupérer la dépouille du défunt, pour le rendre à sa famille du côté de Groisy, avant son inhumation à Morette.

« Je suis le dernier à avoir vu son corps. » Lionel Martin se tient face à la tombe n° 62 à la Nécropole militaire nationale de Morette. Là, repose Marius Cochet, son supérieur à la compagnie 93-15 (F.T.P.F.) en 1944. Le résistant de 102 ans, dont les veines saillantes rappellent le passage du temps, se remémore ce long et éprouvant trajet. Il y a 80 ans il partait à la recherche de la dépouille de son chef, tué au combat à 31 ans.

Aout 2024, Lionel Martin ren hommage à Marius Cochet à Morette

Le centenaire, né en 1922 à Hyères dans le Var, est impressionnant de vivacité. Il a fait le voyage depuis les États-Unis où il vit depuis 1949, pour les 80 ans de la Libération, avec le concours de l’historien Claude Barbier et d’une association intitulée Welcome Lionel. Il se rappelle parfaitement ce jour où il est allé chercher le cadavre de son chef, épisode lugubre de sa vie de résistant. Alors que la Haute-Savoie vient d’être libérée, des Allemands fuient la France en direction de Belfort et du Rhin. La compagnie 93.15, dont fait partie Lionel Martin, pourchasse les Allemands en retraite. Elle est dirigée par Marius Cochet, alias Franquis. Né le 8 septembre 1915, Marius Cochet appartient au mouvement de résistance française Francs-tireurs et partisans (FTP). Homme discret et modeste, il sera le chef de la section Coulon du maquis des Glières. Après le départ des maquisards du plateau, il mettra en place en mai 1944 la compagnie 93-15 (F.T.P.F.). Le 20 août au soir, à la hauteur des Rousses dans le Jura, la compagnie se heurte à un détachement allemand. Marius Cochet y est tué. « Il était dédié à la cause, prêt à mourir » dit le centenaire, admiratif de son supérieur. Pendant cette bataille, Lionel Martin est en convalescence à Boëge. Il a été blessé quelques jours auparavant lors d’un parachutage. Remis sur pied, il rejoint à Annemasse le reste de sa compagnie endeuillée, qui rentre des Rousses. D’après une biographie effectuée par l’association du Souvenir Français sur Marius Cochet : « Sa mort entraîne le retrait de la compagnie des combats. Compagnie qui, ayant perdu son âme, se disloque. » C’est là que Lionel Martin apprend le décès de son chef. Ce dernier, dit-on, aurait été enterré à moins d’un kilomètre de l’entrée des Rousses par des paysans, dans un champ pas loin de la route. « Quelqu’un a demandé qui pouvait aller chercher son corps » raconte le vieil homme d’une voix ténue. Il fallait savoir souder afin de fermer le cercueil en métal. « Comme j’ai fait l’école d’horlogerie de Cluses, je me suis porté volontaire. »

Lionel Martin entouré de sa famille et des membres de l'association «Bienvenue Welcome — photo Essor Savoyard

« Je me suis versé l’eau de Cologne sur la tête. À cause de l’odeur »

C’est ainsi que Lionel Martin part en camionnette « avec deux types, des civils » qu’il ne connaît pas, aux Rousses, à la frontière franco-suisse. Il est armé d’un cercueil en métal, de pelles, d’une lampe et de baguettes à souder. À leur arrivée, environ 70 kilomètres plus loin, ils aperçoivent un monticule de terre fraîche se détacher sur une prairie. « On a tout de suite trouvé le corps » décrit l’ancien résistant, les joues gravées de rides. « La boîte » dans laquelle les paysans ont déposé Marius Cochet « se trouvait à la profondeur d’un mètre et demi environ » souffle Lionel Martin, dont les larges lunettes dissimulent des yeux humides. « La première chose que j’ai vue en l’ouvrant, c’est qu’il n’avait pas de chaussette. Il était entassé, la tête première en bas, les pieds en haut, dénudé ». Huit jours se sont écoulés depuis la mort de Marius Cochet. Le corps est déjà en putréfaction, la vermine a envahi sa dépouille. Lionel Martin raconte avoir « pris ses précautions ». Il a emporté avec lui un litre d’eau de Cologne. « Quand j’ai commencé, je me suis versé l’eau de Cologne sur la tête. À cause de l’odeur, ce n’était pas possible. » Les trois hommes déplacent le corps depuis la boîte en bois jusqu’au cercueil en métal, qu’il faut fermer. Commence alors un long moment, pendant lequel Lionel se retrouve seul avec la dépouille de son supérieur. Les deux civils sont partis en attendant qu’il finisse son macabre labeur. « J’ai commencé à souder, ça m’a pris plus de trois heures. Je pompais, le vent prenait la flamme tout le temps. » De ces trois longues heures en tête à tête avec la mort, Lionel Martin dira qu’il était « dans le vague », concentré, occupé à souder. C’est au retour vers Annemasse, dans la camionnette, que la pression retombe. Il se jette sur la banquette, exténué physiquement et mentalement.

Trois inhumations

Le corps est déposé dans le véhicule. Après une nuit à Annemasse, il est emmené à Groisy, dans son village natal, chez sa mère. Il y sera inhumé, entouré de ses proches, de sa compagnie, et y recevra les honneurs. C’est le deuxième enterrement de Marius Cochet. Le troisième aura lieu quelques mois plus tard. Son corps sera déplacé dans la tombe n°62, à la Nécropole militaire nationale de Morette. Il y repose désormais, parmi les 105 sépultures, dont 88 de résistants du maquis. Au nord, l’imposant plateau des Glières veille sur ses morts. Dans la chaleur de ce 23 août 2024, on cherche l’ombre. Lionel Martin se recueille face à la tombe de son chef. Il y dépose une gerbe de fleurs, entouré de son fils, son petit-fils et son arrière-petit-fils. « Je pense à tous ces gars qui ont préparé le terrain pour les générations futures » dit Lionel Martin. « J’espère qu’on vous a laissé une belle vie. »

Vidéo Il y a 80 ans, il partait à la recherche du corps du résistant Marius Cochet id:0pvNI2jlAvY

Extrait du film : la guerre de Lionel Martin

Vidéo Il y a 80 ans, il partait à la recherche du corps du résistant Marius Cochet id:0Y6-0JbmnGU

Interview de Lionel Martin

Louise de Maisonneuve, 25 août 2024
Lieux de mémoire en lien :
 Nécropole militaire nationale de Morette

Nécropole militaire nationale de Morette

Détail

Les corps de 105 résistants, principalement des combattants des Glières, sont inhumés au cimetière de Morette dès avril 1944. Inauguré par Vincent AURIOL en 1947, ce cimetière militaire devient la Nécropole nationale des Glières en 1984, classé monument historique en 2015. Il est géré par l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

Lieu : La Balme-de-Thuys

 Mur du Souvenir de Morette

Mur du Souvenir de Morette

Détail

Monuments aux morts de la Nécropole de Morette. Créé dès avril 1944 pour inhumer les résistants morts au combat, ce cimetière est reconnu en 1949 « Cimetière Militaire national ». En 1984, il devient une Nécropole nationale désormais gérée par l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Le mur comporte 151 noms de résitant morts lors des combats des glières.

Lieu : La Balme-de-Thuy

Aout 2024, Lionel Martin ren hommage à Marius Cochet à MoretteLionel Martin, un des derniers résistants en Haute-Savoie, s’est recueilli ce 23 août sur la tombe de son supérieur Marius Cochet, dont il est allé chercher le corps dans le Jura en août 1944. Photos Le DL /Jean-Marc Favre Lionel Martin s’est recueilli sur la tombe de son supérieur Marius Cochet, dont il avait cherché le corps dans le Jura en août 1944. Il est ici avec ses fils, petit-fils et arrière-petit-fils, ainsi que les membres de l’association Welcome Lionel qui l’ont fait venir en France depuis les États-Unis et l’historien Claude Barbier. 02 / 02 Lionel Martin s’est recueilli sur la tombe de son supérieur Marius Cochet, dont il avait cherché le corps dans le Jura en août 1944. Il est ici avec ses fils, petit-fils et arrière-petit-fils, ainsi que les membres de l’association Welcome Lionel qui l’ont fait venir en France depuis les États-Unis et l’historien Claude Barbier.Aout 2024, Lionel Martin ren hommage à Marius Cochet à Morette