Maquis de La Mandallaz ,Type Action / Date Création : 12 mai 1944R.F.I : Armée secrète / Commandement : Mégevand Lucien dit Pan Pan / Communes : Chêne-en-Semine / La Balme-de-Sillingy / Épagny Metz-Tessy / Annecy / Un livre édité récemment par la municipalité en donne la description et son origine : « La Balme-de-Sillingy est une commune qui se situe à 12 km au N.O. d’Annecy. La route nationale N° 508 la traverse. C’est une voix principale qui permettait la liaison Annecy - Bellegarde - Paris. Ce n’était qu’un petit bourg que les véhicules traversent prudemment car un virage, assez accentué en son milieu obligeait à ralentir sous peine de renverser l’oratoire du chef-lieu qui octroyait : « 40 jours d’indulgence aux supplicateurs applicables aux défunts… » (Il devait être fracassé le 28 juin 1981 par un camion fou). « Mais La Balme se trouve au pied de la montagne La Mandallaz, dont le sommet culmine à 900 mètres. Cette montagne est l’un des derniers chaînons jurassiens avant les Préalpes. Ce chaînon, visible dans un rayon de 30 kilomètres, est une véritable ponctuation dans le paysage et se caractérise par une altitude modeste, mais avec un versant occidental très escarpé, souligné par des éboulis et un versant oriental relativement doux. « La Mandallaz a été, depuis des temps très anciens, fréquentée par les hommes. Au sommet, au lieu-dit « La Tête », les traces d’un village fortifié antérieur aux Romains ont été découvertes ». L’histoire sur La Mandallaz retient : « Quand un groupe d’envahisseurs aussi nombreux que belliqueux occupait la vallée, les autochtones se réfugiaient dans la montagne. Devant ces agressions répétées, les hommes fortifièrent le sommet de la montagne. En temps de guerre, toute la population des plaines, avec ses biens, son bétail, se réfugiait en ce lieu facile à défendre… ». De nombreuses excavations et des grottes existent dans ce massif. En 1977, M. Delarue devait découvrir la grotte située à Lesvaux, sur le flanc ouest de La Mandallaz. On y retrouva, entre autres, quatre « individus » dont la mort se situe vers 3000 et 2300 ans avant J-C…. (Rien à voir avec le maquis 1944 !). Le choix de La Mandallaz et l’installation du camp Lucien Mégevand n’ignore pas que la présence d’un maquis peut créer les conditions d’une situation conflictuelle avec la population. Un maquis ne peut subsister et agir que s’il est accepté, reconnu et soutenu. Or, l’objet de son existence et les conditions nécessaires à sa survie risque aussi d’être l’objet d’une certaine hostilité des autochtones. Son choix, il explique : « Le contact avec la population a toujours été bon. C’est avec l’aide du maire, M. Godet, d’Édouard Sylvestre, aidé par Angelloz, que nous avons commencé nos recherches. Alors que nous en étions au début de notre implantation, le curé, un dimanche, au cours de son sermon, fit allusion « à ces gens dans la montagne » laissant planer un doute sur leur moralité. Je suis croyant, j’ai pris contact avec le prêtre et, avec l’aide du curé Vuichard, de Choisy, je convainquis facilement le représentant de l’Église (à noter que j’avais dans mon groupe un séminariste, qui fut par la suite l’abbé Astufolmi, curé de Saint-Égrève dans l’Isère, nous le surnommions alors « Titu ». Après plusieurs reconnaissances, j’ai opté pour une « grotte » à environ trois quarts d’heure des habitations, celle qu’on appelle aujourd’hui « La grotte du maquis » ! Parmi les premiers compagnons il y a R. Contat qui avait dû quitter le camp B2 du Grand-Bornand pour se réfugier, en 1943, à Cercier où il trouva à s’employer dans différentes fermes. En avril 1944 il va se retrouver avec d’autres jeunes qui, comme lui, ont connu des fortunes diverses dans d’autres lieux. Il y a Perron, Giller, les frères Bartschi, Pallud, Ribiollet, Métral, Marchal, Buchet et trois lycéens de la région de Lyon. Ils vont former l’ossature du camp. Contat indique : « Ce jour-là, il pleuvait et, en rejoignant Lucien Mégevand et Max Montant, nous ne sommes réfugiés dans une grotte humide et en cul-de- sac. Aussi, dès le lendemain, nous nous sommes installés dans les rochers où des excavations nous protégeaient de la pluie. Nous avons alors entrepris de construire ce qui allait devenir le camp de base en édifiant deux baraques en rondins. L’une d’elle servit de P.C. à Pan-Pan et l’autre fut utilisée comme infirmerie, avec R. Barstchi comme responsable. On trouva un trou assez profond et accessible qui servit de garde-manger pour la marchandise. Il nous fallut aménager les sentiers pour faciliter les transports, en particulier pour le ravitaillement de l’eau, car il n’y avait pratiquement pas d’eau à cet endroit, la seule source étant près des habitations. On effectuait le transport au camp à l’aide de « boyes à lait » (qui servent à porter le lait à la fruitière). Certes, le camp n’était pas très éloigné du village, mais il était parfait pour l’observation. Lucien Mégevand précise : « Au sommet, nous avions la vue sur la route de Choisy, de La Balme à Bonlieu (la route Annecy-Paris). À un petit collet, un poste de trois hommes était installé d’où l’on dominait la route Annecy - Pringy (Genève). Non loin de là, un autre poste avait pour mission de surveiller Chaumontet - Bromines - Ferrières. Tout cela était peut-être théorique car, dans la pratique, ce n’était pas toujours facile à réaliser, ne disposant que d’un faible effectif et ne possédant même pas de jumelles. Un itinéraire de dégagement, en cas d’attaque, avait été étudié, qui permettait de se replier en direction du Salève, en utilisant au maximum les parties boisées. « En ce qui concerne l’intendance, on résolu assez bien le problème. Pour le pain, on se servait chez Brichet, boulanger à La Balme. Ayant appris que des paysans avaient apporté chez le frère de Brichet, minotier à Bonlieu, du blé pour obtenir en échange de la farine, nous avons monté une opération avec la présence à nos côtés de Joseph Lambroschini alias Nizier, qui prenait ses fonctions de responsable de l’Armée Secrète, et enlevé tous les sacs que nous avons transféré chez le boulanger de La Balme. L’épicerie fut réquisitionnée à La Combe, la viande chez les bouchers de La Balme et de Bonlieu. Le vin fut enlevé lors du passage d’un camion des Caves Garçon d’Annecy. La compagnie du lait de Rumilly fut également mise à contribution, en particulier pour le lait condensé. Des bons de réquisition furent remis et la plupart des intéressés furent indemnisés à la Libération ». L’armement, au départ, fut récupéré dans une cache située près d’un réservoir d’eau. Il deviendra plus important à la suite du parachutage de trois avions à Vaulx, le 9 mai 1944, effectué sous la direction du service du S.A.P. avec l’aide de Déruaz et de son équipe de Vaulx et de Nonglard, Lucien Mégevand s’étant réservé une partie de l’envoi, camouflé dans un premier temps chez Falconnat, à la Petite Balme. La vie au camp La vie au camp fut essentiellement occupée à l’aménagement de celui-ci et aux corvées indispensables pour faire vivre, dans les meilleures conditions, la poignée d’hommes qui s’y trouvaient. Mégevand était préoccupé afin que son groupe ait rapidement une efficacité militaire. C’est un homme de métier, il sait qu’il est du devoir d’un chef de ne pas engager des jeunes dans une action sans avoir une connaissance militaire minimum. Il aura l’idée de créer un stand de tir souterrain. Pour cela il fallut creuser, dans un sol rocailleux, une tranchée d’environ 20 m de long, que l’on recouvrit de rondins et de terre, ce qui permit un entraînement au tir des différentes armes, sans que le bruit des détonations ne parviennent aux oreilles des habitants ou des promeneurs égarés volontairement ou non ! L’effectif du camp, de quatorze hommes au départ, augmentera petit à petit. Des jeunes réfractaires au S.T.O., mais d’autres aussi, tel le légendaire « Coco » qui, engagé à la L.V.F., avait déserté (on avait failli le fusiller, car son histoire était rocambolesque mais il paraissait tellement sincère!), vinrent grossir les rangs. C’est au début de juillet, vers le 12, lors de l’offensive allemande contre les maquis de l’Ain que 35 maquisards environ, sous les ordres de leur chef Rendu, se trouvant en difficulté à hauteur de Génissiat, se replièrent sur la Haute-Savoie. Mégevand, Buchet et Giller les récupérèrent au lieu-dit les « Quatre Chemins », entre Mons et Bellegarde, et les conduisirent au camp. Et là, ce fut Contat qui dû aller à la scierie de La Balme pour préparer des planches afin de construire des baraques. Et brusquement, à fin juillet 1944, le maquis de La Mandallaz allait connaître sa « première tragédie » à la suite d’une « bavure » d’un groupe plein de bonne volonté mais mal préparé pour ce genre d’opération, et qui ne mesurera pas les risques que pouvaient subir la population et d’autres groupes de résistance. 30 juillet 1944 L’incident d’Épagny C’est ainsi que le dimanche 30 juillet 1944, vers 11 heures, se déroule, à Épagny, une opération menée par un groupe de maquisards venus de Thorens. Le responsable Doncque, avec trois de ses hommes, aidé par Lambert de Rumilly et deux de ses hommes, fait le récit de cette opération : « Départ de Thorens à 10 heures 15, itinéraire : Aviernoz, Les Ollières, Pont de Villaz, Pringy, Metz-Tessy, Épagny 10 heures 45. Le but principal était la capture des membres de la famille Jacob dont le père et les fils étaient des miliciens notoires. L’un des fils travaillait avec moi aux Ponts-et-Chaussées d’Annecy et était l’auteur de la dénonciation du lieutenant Lalande qui, rescapé des Glières, fut arrêté par la police française, remis aux Allemands, torturé et fusillé. Après avoir coupé les fils téléphoniques de la cabine à côté de l’église, je rentrais dans celle-ci pour vérifier si Jacob père et ses fils se trouvaient à l’intérieur lors de la messe dominicale. Ils étaient effectivement à leur place. Je sortis de l’église et avertis mes hommes qui allèrent prendre position derrière un arbre, à côté de l’église. Je rentrais à nouveau et restais dans le fond, derrière la porte. La fin de la messe arrivant, les deux frères sortirent et, à ce moment, je me mis derrière eux, leur collant mes pistolets dans le dos, en leur enjoignant de garder les mains levées, ce qu’ils firent instantanément. « Alors qu’une nombreuse assistance se tenait sur le parvis, les deux hommes, profitant d’une légère bousculade de la foule, tentèrent le tout pour le tout et dégainèrent leur pistolet placé dans la ceinture de leur pantalon et, se retournant, tirèrent dans ma direction. Je fus touché de quatre balles, une au côté gauche et les autres aux bras. Je saignais abondamment car j’avais une artère perforée. Je n’ai pas osé utiliser mes armes, risquant de tuer des gens qui n’avaient rien à voir dans cette affaire. Je réussi à gagner la sacristie. Mes hommes placés à l’extérieur ouvrirent le feu sur les frères Jacob qui s’enfuyaient, blessant grièvement l’un deux, l’autre, ainsi que le père, réussissant à éviter le tir. Il ne nous restait plus qu’à décrocher… ». Un journaliste devait rapporter : « La milice d’Annecy fut prévenue et une première unité, sous les ordres de Chambaz, se rendit sur les lieux vers 14 heures. Les miliciens patrouillèrent à la recherche des agresseurs que les témoins avaient vu s’enfuir en voiture ». Quant à Mégevand, il se trouve au camp. Il est averti par Max Montant qui, revenant du ravitaillement, lui signale l’incident d’Épagny et lui fait part des craintes de représailles qui risquent de se produire du fait que des miliciens ont été abattus. Mégevand ignore les raisons de cet engagement, aucune autorité de la Résistance ne l’ayant avisé d’un engagement sur le secteur qui lui est dévolu. Il décide de mobiliser le camp et de se rendre compte sur place. Dans un premier temps, il prévient la section « Arthur », de Campana, qui cantonne à Cercier, de se rendre à Chaumontet. Il devra attendre le signal, en l’occurrence l’envoi d’une fusée, avant de se diriger sur Épagny. La section de Buchet reçoit comme mission de prendre position en direction de la « fruitière » d’Épagny, qui se situe sur la route départementale N° 908. L’itinéraire se fera à travers bois, dans un terrain très accidenté. Pour sa part, Mégevand descendra de la montagne par un sentier qui arrive au lieu-dit « chez Lavorel dit Fred à Guisti ». Son groupe est composé essentiellement de la section « Rendu » (Les rescapés de l’Ain) et de quelques jeunes. Ils se dirigeront vers le hameau de Saint-Paul. Il est environ 16 heures lorsque le contact est pris avec la milice. C’est à la hauteur de la ferme Milady, alors que la fermière est interrogée sur le pas de sa porte par un franc-garde, que partent les premiers coups de feu. La femme est mortellement blessée à la tête. Les miliciens, qui se sont déployés et qui ont reçu des renforts, s’efforcent d’encercler les maquisards. Les hommes de la section Buchet sont des jeunes, plein de bonne volonté, courageux, mais pour certains c’est le baptême du feu et le chef de section doit faire preuve de beaucoup d’autorité pour faire manœuvrer son monde. La section « Rendu », plus aguerrie, riposte avec beaucoup d’efficacité mais Mégevand se rend vite compte qu’il va être tourné sur sa gauche. Il a bien envoyé la fusée en direction de Chaumontet mais il semble que celle-ci n’ait pas été aperçue. Il ne peut donc pas compter sur le renfort qu’il avait prévu. Il donne l’ordre de repli. Une partie de ses hommes se replie sur Bromines et là, trois vont être mortellement blessés. Certains appartenaient à la section de Rendu, section qui avait déjà subi des pertes dans l’Ain. Ils s’appelaient Perrin René (19 ans), Béné Jean (18 ans), Gien Georges (24 ans) … Mégevand devait déclarer à propos de cette affaire : « Le gros de la troupe s’est replié en direction des bois par le chemin qui monte à Ferrières. Les miliciens étaient beaucoup plus nombreux vers Saint-Paul et cherchaient à nous prendre à revers. Avec Fatmi – un jeune marocain – et une petite équipe, nous sommes montés sur le mamelon vers la grotte. Ayant réussi à installer un fusil- mitrailleur derrière une haie, nous avons, grâce à un feu nourri, obligé les miliciens à décrocher. Malheureusement, le jeune Beauquis a été blessé (Il était arrivé au camp quelques jours avant, venant d’Etercy). Nous n’avons pas remarqué tout de suite son absence au cours du repli. Ce n’est que le soir que nous l’avons recherché et retrouvé près d’une ferme dont les habitants avaient refusé de le secourir. Il devait mourir là, il avait 18 ans ! « Nous avons pu regagner le camp en passant derrière Bromines, en longeant le garage Angelloz, puis par la carrière et la Petite Balme, nous rejoignîmes le sentier montant au camp. Au cours de ce périple, un homme a été blessé, non loin d’une ferme. Il s’agissait d’un Tunisien récupéré avec Fatmi à Génissiat. Le propriétaire de la ferme l’a soigné et il a accepté de le cacher. Le lendemain soir, vers 11 heures, nous avons enterré nos morts, provisoirement, vers la Petite Balme. L’absoute a été célébrée par le curé Vuichard, curé de Choisy, qui, pour la circonstance, avait revêtu sa tenue de guerre 14-18, bleu horizon. Puis, par la suite, la sépulture se fit au cimetière… Un monument, sur la route départementale 908, rappelle : « Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux », mais hélas les mots ne sont plus que souvenirs et le vent de l’oubli souffle trop fort pour qu’on s’arrête encore à cet endroit… La milice, pour sa part comptera quelques blessés dont l’un, le Docteur Desplanches de Faverges, venu en renfort, devait décéder à la suite d’une hémorragie, l’artère fémorale ayant été sectionnée. Le sous-lieutenant Tournier, commandant la gendarmerie d’Annecy, arrivé sur place, devait fournir la version officielle des faits, aux dires des témoins, avec les erreurs de jugement que peuvent faire ceux-ci. « Une automobile transportant des individus du maquis arrivait vers 16 heures devant la ferme Milady à Épagny. Les miliciens qui étaient déployés en tirailleur et le maquis engageaient le combat et madame Milady fut blessée par plusieurs balles à la tête. Quelques instants plus tard, le village de Saint-Paul, commune d’Épagny, fut cerné par la milice et un autre engagement eut lieu. Au cours de l’engagement, trois hommes du maquis furent tués, quatre autres faits prisonniers et un fut blessé… Les cadavres des hommes du maquis furent enlevés par les partisans et leur identité n’a pas pu être connue de M. le maire d’Épagny. En ce qui concerne la milice, outre le milicien Jacob, le docteur Desplanches a été transporté à l’hôpital. Les personnes blessées à l’église sont M. Lavorel J., cultivateur à Épagny ; Lavorel M., de Tessy ; mademoiselle Lavorel Félicité et son domestique ; madame Pellarin Fernande… ». D’après un journaliste de l’époque, le chef de cabinet du Préfet et le commandant Calvayrac, de la gendarmerie, vinrent se rendre compte sur les lieux de cet incident, alors que les miliciens regagnaient Annecy en chantant. Fin du maquis de La Mandallaz On pouvait s’attendre à des représailles. C’est pourquoi Mégevand se décide à déménager le camp. Dès la création de ce dernier, il avait envisagé un itinéraire de repli en direction du Salève. Mais, nouvelle difficulté, il a une mission à remplir le 1er août 1944, au Plateau des Glières. Depuis quelques temps déjà, les responsables de R.I. et les délégués militaires venus de Londres, en accord avec le responsable départemental F.F.I. et des M.U.R., ont accepté un parachutage massif sur ce site. On attend 72 avions. En réalité 36 seulement effectueront un largage. Mégevand, responsable du S.A.P. (service parachutage), devait préciser : « l’appareil radio S–phone, avec lequel je devais entrer en contact avec le leader tomba en panne et la liaison ne put se faire) ». Il est probable que les leaders des trois premières vagues, chaque vague comprenait un groupe de treize (un leader et douze avions), en l’occurrence des Forteresses volantes et un chasseur Mustang, lâchèrent leur cargaison en apercevant les feux de signalisation mais, sans autres indications, ils poursuivirent leur vol sur le Col des Saisies qui bénéficia de 78 avions et du renfort de deux officiers et cinq sous-officiers, dont l’un, le sergent américain de Marines Perry se tua, son parachute ne s’étant pas ouvert. Mégevand évacue le camp en emmenant le matériel indispensable et décide de s’installer au Salève au lieu-dit : « Le Plan du Salève ». Il ne laissera au camp qu’un garde, Desrobert, qui surveillera le matériel préalablement camouflé dans une grotte. Après avoir réquisitionné tous les véhicules possibles, le convoi partira dans la nuit du 31 juillet au 1er août, emmenant sédentaires et maquisards. L’itinéraire passera par Allonzier-la-Caille, Villy-le-Pelloux et Groisy. Les hommes de Buchet et ceux de Cercier prendront position avec les hommes de Louis Morel, de la compagnie de Thorens, chargés de la protection durant le parachutage, entre Usillon et La Verrerie. Ils ne rejoindront le Salève qu’après avoir assuré l’évacuation du parachutage du Plateau. Les véhicules fonctionnaient alors au gazogène, roulant à faible allure et surchargés en hommes et matériel. Il n’était pas question d’allumer les phares. Les chauffeurs avaient beaucoup de peine à maintenir le cap ! C’est ainsi qu’en arrivant à la sortie de Thorens, un camion conduit par ce brave Giller, prit malencontreusement une bordure, les hommes affolés se précipitèrent tous du même côté ce qui finit par faire basculer le camion dont, fort heureusement, le mur de la fruitière atténua la culbute. Les deux hommes placés en position de protection, ainsi que le chauffeur, furent coincés. On réussit à les sortir avec plus ou moins de dégâts et on remit le camion sur ses roues. À signaler qu’une chèvre « fétiche » peinte en tricolore, en profita pour s’échapper, non sans avoir mangé les choux destinés à la soupe ! Buchet, de son côté, prit les emplacements assignés. Il devait raconter que, dans la matinée, il vit arriver un car chargé d’hommes ayant des uniformes. Or, la postière de Groisy avait vu passer le car et croyant qu’il s’agissait de miliciens avait alerté par téléphone les responsables. Buchet fit ouvrir le feu… le car s’arrêta. Il transportait des hommes (douaniers, gendarmes) venus en renfort… il y eut un blessé. Le chauffeur était Paris, d’Allonzier-la-Caille, du groupe Campana. Le parachutage terminé, les hommes de Mégevand se mirent en route pour le Salève. Mégevand devait indiquer : « Par un accord entre la France et la Suisse, les vaches suisses pouvaient venir brouter l’herbe française. Le cheptel était important. Nous occupions une vaste ferme qui était équipée pour la fabrication du fromage. Le ravitaillement en laitage et en viande ne posa pas de problème ! ». Le séjour fut d’assez courte durée et, à part quelques actions contre des collaborateurs, rien de particulier ne se produisit. Mégevand reçu des instructions où il devait assurer la surveillance de l’axe Annecy–Bellegarde. Plutôt que de regagner le camp de La Mandallaz, il préféra s’installer à Contamine–Sarazin. Là, il fera appel aux sédentaires pour les incorporer, ce qui va grossir considérablement ses effectifs. Ceux-ci vont rapidement augmenter, en particulier avec l’appoint des douaniers du capitaine Bonnet, de nombreux gendarmes, qui serviront souvent à l’encadrement. Mégevand précise : « L’effectif fut d’environ 450 hommes. Dès lors, une partie de la troupe va s’installer au Pont des Douanes sur la route d’Annecy- Frangy. On utilisa le tunnel qui passe au-dessus des Usses, tunnel qui avait été entrepris pour la construction d’une ligne de tramway Annecy–Frangy et qui ne fut jamais achevé. Il aura au moins servi à abriter des maquisards en 1944 ! Parachutage à Éloise Dans la soirée du 14 au 15 août, Mégevand a reçu de Londres un message lui faisant part d’un parachutage à Éloise qui s’effectuera dans la nuit. Il va organiser un convoi de plusieurs camions avec une forte équipe de protection et de réception. Ce soir-là, le vent souffle assez violemment. Les signaux indiquant le sens du vent au sol et qui doivent déterminer la façon de larguer les parachutes ont-ils été mal compris, ce qui est certain c’est que les cinq avions vont larguer les parachutes dans le sens du vent au lieu du contraire, ce qui va donner lieu à une dispersion du matériel au sol, fort loin du point de chute. On s’efforce de ramasser et de stocker ce qui est le plus rapproché, mais, à l’arrivée au camp, on s’aperçoit qu’il manque une grande partie de la cargaison. « Nous retournons le lendemain à la pointe du jour. Nous barrons la route de Bellegarde et mettons deux mortiers « Piat » et 3 FM. en batterie en direction du barrage de Génissiat pour neutraliser le poste allemand que l’on aperçoit de l’autre côté, mais qui n’osera pas intervenir. Nous avons ainsi récupéré trois camions de matériel, bien utile pour la suite des opérations, ce qui permit d’armer les sédentaires… », ajoute Mégevand. Fort l’Écluse Le Capitaine Pierre Ruche devait faire état dans son recueil « L’Histoire de la Résistance du Secteur de Saint-Julien », de la situation dans le secteur de Fort l’Écluse où les Allemands sont solidement implantés : « Le 16 août 1944, les éléments de la Brigade Rouge Internationale (B.R.I.), venue en renfort, sont chargés de défendre le Pont Carnot, point particulièrement stratégique entre le département de l’Ain et la Haute-Savoie. Fatiguée par plusieurs opérations délicates, cette brigade va se replier en direction de La Roche-sur-Foron, laissant le Pont Carnot sans défense ». Devant cette situation difficile, Ruche fait appel à tous les renforts disponibles, car déjà les Allemands prennent pied dans le secteur. La B.R.I. avait reçu mission de détruire le pont mais, par manque de techniciens qualifiés seule la surface du revêtement fut entamée. Des renforts seront envoyés, en particulier de la Compagnie de Frangy, commandée par Cloppet, mais elle subira de grosses pertes. Le lieutenant Krieger, dit « Jacques », et quatre hommes seront tués. Quant à Mégevand, il apportera son appui avec une partie de ses hommes du côté de Chevrier et du Pont Carnot où il trouvera le renfort d’un ancien de 14-18, Isabella avec ses hommes qui se montreront particulièrement efficaces. Puis le groupe Pan-Pan sera rappelé en vue de participer à une attaque prévue pour libérer Annecy, mais dont il ne connaît pas les consignes, ni les heures. Portrait de maquisardRaymond BeauquisRésistantJean BéniRésistantGeorges GienRésistantClaudius LyardRésistantLucien Mégevand RésistantRené PerrinRésistant Mais aussi : Édouard Sylvestre, Buchet et Gillet, Les maquis
Un livre édité récemment par la municipalité en donne la description et son origine : « La Balme-de-Sillingy est une commune qui se situe à 12 km au N.O. d’Annecy. La route nationale N° 508 la traverse. C’est une voix principale qui permettait la liaison Annecy - Bellegarde - Paris. Ce n’était qu’un petit bourg que les véhicules traversent prudemment car un virage, assez accentué en son milieu obligeait à ralentir sous peine de renverser l’oratoire du chef-lieu qui octroyait : « 40 jours d’indulgence aux supplicateurs applicables aux défunts… » (Il devait être fracassé le 28 juin 1981 par un camion fou). « Mais La Balme se trouve au pied de la montagne La Mandallaz, dont le sommet culmine à 900 mètres. Cette montagne est l’un des derniers chaînons jurassiens avant les Préalpes. Ce chaînon, visible dans un rayon de 30 kilomètres, est une véritable ponctuation dans le paysage et se caractérise par une altitude modeste, mais avec un versant occidental très escarpé, souligné par des éboulis et un versant oriental relativement doux. « La Mandallaz a été, depuis des temps très anciens, fréquentée par les hommes. Au sommet, au lieu-dit « La Tête », les traces d’un village fortifié antérieur aux Romains ont été découvertes ». L’histoire sur La Mandallaz retient : « Quand un groupe d’envahisseurs aussi nombreux que belliqueux occupait la vallée, les autochtones se réfugiaient dans la montagne. Devant ces agressions répétées, les hommes fortifièrent le sommet de la montagne. En temps de guerre, toute la population des plaines, avec ses biens, son bétail, se réfugiait en ce lieu facile à défendre… ». De nombreuses excavations et des grottes existent dans ce massif. En 1977, M. Delarue devait découvrir la grotte située à Lesvaux, sur le flanc ouest de La Mandallaz. On y retrouva, entre autres, quatre « individus » dont la mort se situe vers 3000 et 2300 ans avant J-C…. (Rien à voir avec le maquis 1944 !). Le choix de La Mandallaz et l’installation du camp Lucien Mégevand n’ignore pas que la présence d’un maquis peut créer les conditions d’une situation conflictuelle avec la population. Un maquis ne peut subsister et agir que s’il est accepté, reconnu et soutenu. Or, l’objet de son existence et les conditions nécessaires à sa survie risque aussi d’être l’objet d’une certaine hostilité des autochtones. Son choix, il explique : « Le contact avec la population a toujours été bon. C’est avec l’aide du maire, M. Godet, d’Édouard Sylvestre, aidé par Angelloz, que nous avons commencé nos recherches. Alors que nous en étions au début de notre implantation, le curé, un dimanche, au cours de son sermon, fit allusion « à ces gens dans la montagne » laissant planer un doute sur leur moralité. Je suis croyant, j’ai pris contact avec le prêtre et, avec l’aide du curé Vuichard, de Choisy, je convainquis facilement le représentant de l’Église (à noter que j’avais dans mon groupe un séminariste, qui fut par la suite l’abbé Astufolmi, curé de Saint-Égrève dans l’Isère, nous le surnommions alors « Titu ». Après plusieurs reconnaissances, j’ai opté pour une « grotte » à environ trois quarts d’heure des habitations, celle qu’on appelle aujourd’hui « La grotte du maquis » ! Parmi les premiers compagnons il y a R. Contat qui avait dû quitter le camp B2 du Grand-Bornand pour se réfugier, en 1943, à Cercier où il trouva à s’employer dans différentes fermes. En avril 1944 il va se retrouver avec d’autres jeunes qui, comme lui, ont connu des fortunes diverses dans d’autres lieux. Il y a Perron, Giller, les frères Bartschi, Pallud, Ribiollet, Métral, Marchal, Buchet et trois lycéens de la région de Lyon. Ils vont former l’ossature du camp. Contat indique : « Ce jour-là, il pleuvait et, en rejoignant Lucien Mégevand et Max Montant, nous ne sommes réfugiés dans une grotte humide et en cul-de- sac. Aussi, dès le lendemain, nous nous sommes installés dans les rochers où des excavations nous protégeaient de la pluie. Nous avons alors entrepris de construire ce qui allait devenir le camp de base en édifiant deux baraques en rondins. L’une d’elle servit de P.C. à Pan-Pan et l’autre fut utilisée comme infirmerie, avec R. Barstchi comme responsable. On trouva un trou assez profond et accessible qui servit de garde-manger pour la marchandise. Il nous fallut aménager les sentiers pour faciliter les transports, en particulier pour le ravitaillement de l’eau, car il n’y avait pratiquement pas d’eau à cet endroit, la seule source étant près des habitations. On effectuait le transport au camp à l’aide de « boyes à lait » (qui servent à porter le lait à la fruitière). Certes, le camp n’était pas très éloigné du village, mais il était parfait pour l’observation. Lucien Mégevand précise : « Au sommet, nous avions la vue sur la route de Choisy, de La Balme à Bonlieu (la route Annecy-Paris). À un petit collet, un poste de trois hommes était installé d’où l’on dominait la route Annecy - Pringy (Genève). Non loin de là, un autre poste avait pour mission de surveiller Chaumontet - Bromines - Ferrières. Tout cela était peut-être théorique car, dans la pratique, ce n’était pas toujours facile à réaliser, ne disposant que d’un faible effectif et ne possédant même pas de jumelles. Un itinéraire de dégagement, en cas d’attaque, avait été étudié, qui permettait de se replier en direction du Salève, en utilisant au maximum les parties boisées. « En ce qui concerne l’intendance, on résolu assez bien le problème. Pour le pain, on se servait chez Brichet, boulanger à La Balme. Ayant appris que des paysans avaient apporté chez le frère de Brichet, minotier à Bonlieu, du blé pour obtenir en échange de la farine, nous avons monté une opération avec la présence à nos côtés de Joseph Lambroschini alias Nizier, qui prenait ses fonctions de responsable de l’Armée Secrète, et enlevé tous les sacs que nous avons transféré chez le boulanger de La Balme. L’épicerie fut réquisitionnée à La Combe, la viande chez les bouchers de La Balme et de Bonlieu. Le vin fut enlevé lors du passage d’un camion des Caves Garçon d’Annecy. La compagnie du lait de Rumilly fut également mise à contribution, en particulier pour le lait condensé. Des bons de réquisition furent remis et la plupart des intéressés furent indemnisés à la Libération ». L’armement, au départ, fut récupéré dans une cache située près d’un réservoir d’eau. Il deviendra plus important à la suite du parachutage de trois avions à Vaulx, le 9 mai 1944, effectué sous la direction du service du S.A.P. avec l’aide de Déruaz et de son équipe de Vaulx et de Nonglard, Lucien Mégevand s’étant réservé une partie de l’envoi, camouflé dans un premier temps chez Falconnat, à la Petite Balme. La vie au camp La vie au camp fut essentiellement occupée à l’aménagement de celui-ci et aux corvées indispensables pour faire vivre, dans les meilleures conditions, la poignée d’hommes qui s’y trouvaient. Mégevand était préoccupé afin que son groupe ait rapidement une efficacité militaire. C’est un homme de métier, il sait qu’il est du devoir d’un chef de ne pas engager des jeunes dans une action sans avoir une connaissance militaire minimum. Il aura l’idée de créer un stand de tir souterrain. Pour cela il fallut creuser, dans un sol rocailleux, une tranchée d’environ 20 m de long, que l’on recouvrit de rondins et de terre, ce qui permit un entraînement au tir des différentes armes, sans que le bruit des détonations ne parviennent aux oreilles des habitants ou des promeneurs égarés volontairement ou non ! L’effectif du camp, de quatorze hommes au départ, augmentera petit à petit. Des jeunes réfractaires au S.T.O., mais d’autres aussi, tel le légendaire « Coco » qui, engagé à la L.V.F., avait déserté (on avait failli le fusiller, car son histoire était rocambolesque mais il paraissait tellement sincère!), vinrent grossir les rangs. C’est au début de juillet, vers le 12, lors de l’offensive allemande contre les maquis de l’Ain que 35 maquisards environ, sous les ordres de leur chef Rendu, se trouvant en difficulté à hauteur de Génissiat, se replièrent sur la Haute-Savoie. Mégevand, Buchet et Giller les récupérèrent au lieu-dit les « Quatre Chemins », entre Mons et Bellegarde, et les conduisirent au camp. Et là, ce fut Contat qui dû aller à la scierie de La Balme pour préparer des planches afin de construire des baraques. Et brusquement, à fin juillet 1944, le maquis de La Mandallaz allait connaître sa « première tragédie » à la suite d’une « bavure » d’un groupe plein de bonne volonté mais mal préparé pour ce genre d’opération, et qui ne mesurera pas les risques que pouvaient subir la population et d’autres groupes de résistance. 30 juillet 1944 L’incident d’Épagny C’est ainsi que le dimanche 30 juillet 1944, vers 11 heures, se déroule, à Épagny, une opération menée par un groupe de maquisards venus de Thorens. Le responsable Doncque, avec trois de ses hommes, aidé par Lambert de Rumilly et deux de ses hommes, fait le récit de cette opération : « Départ de Thorens à 10 heures 15, itinéraire : Aviernoz, Les Ollières, Pont de Villaz, Pringy, Metz-Tessy, Épagny 10 heures 45. Le but principal était la capture des membres de la famille Jacob dont le père et les fils étaient des miliciens notoires. L’un des fils travaillait avec moi aux Ponts-et-Chaussées d’Annecy et était l’auteur de la dénonciation du lieutenant Lalande qui, rescapé des Glières, fut arrêté par la police française, remis aux Allemands, torturé et fusillé. Après avoir coupé les fils téléphoniques de la cabine à côté de l’église, je rentrais dans celle-ci pour vérifier si Jacob père et ses fils se trouvaient à l’intérieur lors de la messe dominicale. Ils étaient effectivement à leur place. Je sortis de l’église et avertis mes hommes qui allèrent prendre position derrière un arbre, à côté de l’église. Je rentrais à nouveau et restais dans le fond, derrière la porte. La fin de la messe arrivant, les deux frères sortirent et, à ce moment, je me mis derrière eux, leur collant mes pistolets dans le dos, en leur enjoignant de garder les mains levées, ce qu’ils firent instantanément. « Alors qu’une nombreuse assistance se tenait sur le parvis, les deux hommes, profitant d’une légère bousculade de la foule, tentèrent le tout pour le tout et dégainèrent leur pistolet placé dans la ceinture de leur pantalon et, se retournant, tirèrent dans ma direction. Je fus touché de quatre balles, une au côté gauche et les autres aux bras. Je saignais abondamment car j’avais une artère perforée. Je n’ai pas osé utiliser mes armes, risquant de tuer des gens qui n’avaient rien à voir dans cette affaire. Je réussi à gagner la sacristie. Mes hommes placés à l’extérieur ouvrirent le feu sur les frères Jacob qui s’enfuyaient, blessant grièvement l’un deux, l’autre, ainsi que le père, réussissant à éviter le tir. Il ne nous restait plus qu’à décrocher… ». Un journaliste devait rapporter : « La milice d’Annecy fut prévenue et une première unité, sous les ordres de Chambaz, se rendit sur les lieux vers 14 heures. Les miliciens patrouillèrent à la recherche des agresseurs que les témoins avaient vu s’enfuir en voiture ». Quant à Mégevand, il se trouve au camp. Il est averti par Max Montant qui, revenant du ravitaillement, lui signale l’incident d’Épagny et lui fait part des craintes de représailles qui risquent de se produire du fait que des miliciens ont été abattus. Mégevand ignore les raisons de cet engagement, aucune autorité de la Résistance ne l’ayant avisé d’un engagement sur le secteur qui lui est dévolu. Il décide de mobiliser le camp et de se rendre compte sur place. Dans un premier temps, il prévient la section « Arthur », de Campana, qui cantonne à Cercier, de se rendre à Chaumontet. Il devra attendre le signal, en l’occurrence l’envoi d’une fusée, avant de se diriger sur Épagny. La section de Buchet reçoit comme mission de prendre position en direction de la « fruitière » d’Épagny, qui se situe sur la route départementale N° 908. L’itinéraire se fera à travers bois, dans un terrain très accidenté. Pour sa part, Mégevand descendra de la montagne par un sentier qui arrive au lieu-dit « chez Lavorel dit Fred à Guisti ». Son groupe est composé essentiellement de la section « Rendu » (Les rescapés de l’Ain) et de quelques jeunes. Ils se dirigeront vers le hameau de Saint-Paul. Il est environ 16 heures lorsque le contact est pris avec la milice. C’est à la hauteur de la ferme Milady, alors que la fermière est interrogée sur le pas de sa porte par un franc-garde, que partent les premiers coups de feu. La femme est mortellement blessée à la tête. Les miliciens, qui se sont déployés et qui ont reçu des renforts, s’efforcent d’encercler les maquisards. Les hommes de la section Buchet sont des jeunes, plein de bonne volonté, courageux, mais pour certains c’est le baptême du feu et le chef de section doit faire preuve de beaucoup d’autorité pour faire manœuvrer son monde. La section « Rendu », plus aguerrie, riposte avec beaucoup d’efficacité mais Mégevand se rend vite compte qu’il va être tourné sur sa gauche. Il a bien envoyé la fusée en direction de Chaumontet mais il semble que celle-ci n’ait pas été aperçue. Il ne peut donc pas compter sur le renfort qu’il avait prévu. Il donne l’ordre de repli. Une partie de ses hommes se replie sur Bromines et là, trois vont être mortellement blessés. Certains appartenaient à la section de Rendu, section qui avait déjà subi des pertes dans l’Ain. Ils s’appelaient Perrin René (19 ans), Béné Jean (18 ans), Gien Georges (24 ans) … Mégevand devait déclarer à propos de cette affaire : « Le gros de la troupe s’est replié en direction des bois par le chemin qui monte à Ferrières. Les miliciens étaient beaucoup plus nombreux vers Saint-Paul et cherchaient à nous prendre à revers. Avec Fatmi – un jeune marocain – et une petite équipe, nous sommes montés sur le mamelon vers la grotte. Ayant réussi à installer un fusil- mitrailleur derrière une haie, nous avons, grâce à un feu nourri, obligé les miliciens à décrocher. Malheureusement, le jeune Beauquis a été blessé (Il était arrivé au camp quelques jours avant, venant d’Etercy). Nous n’avons pas remarqué tout de suite son absence au cours du repli. Ce n’est que le soir que nous l’avons recherché et retrouvé près d’une ferme dont les habitants avaient refusé de le secourir. Il devait mourir là, il avait 18 ans ! « Nous avons pu regagner le camp en passant derrière Bromines, en longeant le garage Angelloz, puis par la carrière et la Petite Balme, nous rejoignîmes le sentier montant au camp. Au cours de ce périple, un homme a été blessé, non loin d’une ferme. Il s’agissait d’un Tunisien récupéré avec Fatmi à Génissiat. Le propriétaire de la ferme l’a soigné et il a accepté de le cacher. Le lendemain soir, vers 11 heures, nous avons enterré nos morts, provisoirement, vers la Petite Balme. L’absoute a été célébrée par le curé Vuichard, curé de Choisy, qui, pour la circonstance, avait revêtu sa tenue de guerre 14-18, bleu horizon. Puis, par la suite, la sépulture se fit au cimetière… Un monument, sur la route départementale 908, rappelle : « Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux », mais hélas les mots ne sont plus que souvenirs et le vent de l’oubli souffle trop fort pour qu’on s’arrête encore à cet endroit… La milice, pour sa part comptera quelques blessés dont l’un, le Docteur Desplanches de Faverges, venu en renfort, devait décéder à la suite d’une hémorragie, l’artère fémorale ayant été sectionnée. Le sous-lieutenant Tournier, commandant la gendarmerie d’Annecy, arrivé sur place, devait fournir la version officielle des faits, aux dires des témoins, avec les erreurs de jugement que peuvent faire ceux-ci. « Une automobile transportant des individus du maquis arrivait vers 16 heures devant la ferme Milady à Épagny. Les miliciens qui étaient déployés en tirailleur et le maquis engageaient le combat et madame Milady fut blessée par plusieurs balles à la tête. Quelques instants plus tard, le village de Saint-Paul, commune d’Épagny, fut cerné par la milice et un autre engagement eut lieu. Au cours de l’engagement, trois hommes du maquis furent tués, quatre autres faits prisonniers et un fut blessé… Les cadavres des hommes du maquis furent enlevés par les partisans et leur identité n’a pas pu être connue de M. le maire d’Épagny. En ce qui concerne la milice, outre le milicien Jacob, le docteur Desplanches a été transporté à l’hôpital. Les personnes blessées à l’église sont M. Lavorel J., cultivateur à Épagny ; Lavorel M., de Tessy ; mademoiselle Lavorel Félicité et son domestique ; madame Pellarin Fernande… ». D’après un journaliste de l’époque, le chef de cabinet du Préfet et le commandant Calvayrac, de la gendarmerie, vinrent se rendre compte sur les lieux de cet incident, alors que les miliciens regagnaient Annecy en chantant. Fin du maquis de La Mandallaz On pouvait s’attendre à des représailles. C’est pourquoi Mégevand se décide à déménager le camp. Dès la création de ce dernier, il avait envisagé un itinéraire de repli en direction du Salève. Mais, nouvelle difficulté, il a une mission à remplir le 1er août 1944, au Plateau des Glières. Depuis quelques temps déjà, les responsables de R.I. et les délégués militaires venus de Londres, en accord avec le responsable départemental F.F.I. et des M.U.R., ont accepté un parachutage massif sur ce site. On attend 72 avions. En réalité 36 seulement effectueront un largage. Mégevand, responsable du S.A.P. (service parachutage), devait préciser : « l’appareil radio S–phone, avec lequel je devais entrer en contact avec le leader tomba en panne et la liaison ne put se faire) ». Il est probable que les leaders des trois premières vagues, chaque vague comprenait un groupe de treize (un leader et douze avions), en l’occurrence des Forteresses volantes et un chasseur Mustang, lâchèrent leur cargaison en apercevant les feux de signalisation mais, sans autres indications, ils poursuivirent leur vol sur le Col des Saisies qui bénéficia de 78 avions et du renfort de deux officiers et cinq sous-officiers, dont l’un, le sergent américain de Marines Perry se tua, son parachute ne s’étant pas ouvert. Mégevand évacue le camp en emmenant le matériel indispensable et décide de s’installer au Salève au lieu-dit : « Le Plan du Salève ». Il ne laissera au camp qu’un garde, Desrobert, qui surveillera le matériel préalablement camouflé dans une grotte. Après avoir réquisitionné tous les véhicules possibles, le convoi partira dans la nuit du 31 juillet au 1er août, emmenant sédentaires et maquisards. L’itinéraire passera par Allonzier-la-Caille, Villy-le-Pelloux et Groisy. Les hommes de Buchet et ceux de Cercier prendront position avec les hommes de Louis Morel, de la compagnie de Thorens, chargés de la protection durant le parachutage, entre Usillon et La Verrerie. Ils ne rejoindront le Salève qu’après avoir assuré l’évacuation du parachutage du Plateau. Les véhicules fonctionnaient alors au gazogène, roulant à faible allure et surchargés en hommes et matériel. Il n’était pas question d’allumer les phares. Les chauffeurs avaient beaucoup de peine à maintenir le cap ! C’est ainsi qu’en arrivant à la sortie de Thorens, un camion conduit par ce brave Giller, prit malencontreusement une bordure, les hommes affolés se précipitèrent tous du même côté ce qui finit par faire basculer le camion dont, fort heureusement, le mur de la fruitière atténua la culbute. Les deux hommes placés en position de protection, ainsi que le chauffeur, furent coincés. On réussit à les sortir avec plus ou moins de dégâts et on remit le camion sur ses roues. À signaler qu’une chèvre « fétiche » peinte en tricolore, en profita pour s’échapper, non sans avoir mangé les choux destinés à la soupe ! Buchet, de son côté, prit les emplacements assignés. Il devait raconter que, dans la matinée, il vit arriver un car chargé d’hommes ayant des uniformes. Or, la postière de Groisy avait vu passer le car et croyant qu’il s’agissait de miliciens avait alerté par téléphone les responsables. Buchet fit ouvrir le feu… le car s’arrêta. Il transportait des hommes (douaniers, gendarmes) venus en renfort… il y eut un blessé. Le chauffeur était Paris, d’Allonzier-la-Caille, du groupe Campana. Le parachutage terminé, les hommes de Mégevand se mirent en route pour le Salève. Mégevand devait indiquer : « Par un accord entre la France et la Suisse, les vaches suisses pouvaient venir brouter l’herbe française. Le cheptel était important. Nous occupions une vaste ferme qui était équipée pour la fabrication du fromage. Le ravitaillement en laitage et en viande ne posa pas de problème ! ». Le séjour fut d’assez courte durée et, à part quelques actions contre des collaborateurs, rien de particulier ne se produisit. Mégevand reçu des instructions où il devait assurer la surveillance de l’axe Annecy–Bellegarde. Plutôt que de regagner le camp de La Mandallaz, il préféra s’installer à Contamine–Sarazin. Là, il fera appel aux sédentaires pour les incorporer, ce qui va grossir considérablement ses effectifs. Ceux-ci vont rapidement augmenter, en particulier avec l’appoint des douaniers du capitaine Bonnet, de nombreux gendarmes, qui serviront souvent à l’encadrement. Mégevand précise : « L’effectif fut d’environ 450 hommes. Dès lors, une partie de la troupe va s’installer au Pont des Douanes sur la route d’Annecy- Frangy. On utilisa le tunnel qui passe au-dessus des Usses, tunnel qui avait été entrepris pour la construction d’une ligne de tramway Annecy–Frangy et qui ne fut jamais achevé. Il aura au moins servi à abriter des maquisards en 1944 ! Parachutage à Éloise Dans la soirée du 14 au 15 août, Mégevand a reçu de Londres un message lui faisant part d’un parachutage à Éloise qui s’effectuera dans la nuit. Il va organiser un convoi de plusieurs camions avec une forte équipe de protection et de réception. Ce soir-là, le vent souffle assez violemment. Les signaux indiquant le sens du vent au sol et qui doivent déterminer la façon de larguer les parachutes ont-ils été mal compris, ce qui est certain c’est que les cinq avions vont larguer les parachutes dans le sens du vent au lieu du contraire, ce qui va donner lieu à une dispersion du matériel au sol, fort loin du point de chute. On s’efforce de ramasser et de stocker ce qui est le plus rapproché, mais, à l’arrivée au camp, on s’aperçoit qu’il manque une grande partie de la cargaison. « Nous retournons le lendemain à la pointe du jour. Nous barrons la route de Bellegarde et mettons deux mortiers « Piat » et 3 FM. en batterie en direction du barrage de Génissiat pour neutraliser le poste allemand que l’on aperçoit de l’autre côté, mais qui n’osera pas intervenir. Nous avons ainsi récupéré trois camions de matériel, bien utile pour la suite des opérations, ce qui permit d’armer les sédentaires… », ajoute Mégevand. Fort l’Écluse Le Capitaine Pierre Ruche devait faire état dans son recueil « L’Histoire de la Résistance du Secteur de Saint-Julien », de la situation dans le secteur de Fort l’Écluse où les Allemands sont solidement implantés : « Le 16 août 1944, les éléments de la Brigade Rouge Internationale (B.R.I.), venue en renfort, sont chargés de défendre le Pont Carnot, point particulièrement stratégique entre le département de l’Ain et la Haute-Savoie. Fatiguée par plusieurs opérations délicates, cette brigade va se replier en direction de La Roche-sur-Foron, laissant le Pont Carnot sans défense ». Devant cette situation difficile, Ruche fait appel à tous les renforts disponibles, car déjà les Allemands prennent pied dans le secteur. La B.R.I. avait reçu mission de détruire le pont mais, par manque de techniciens qualifiés seule la surface du revêtement fut entamée. Des renforts seront envoyés, en particulier de la Compagnie de Frangy, commandée par Cloppet, mais elle subira de grosses pertes. Le lieutenant Krieger, dit « Jacques », et quatre hommes seront tués. Quant à Mégevand, il apportera son appui avec une partie de ses hommes du côté de Chevrier et du Pont Carnot où il trouvera le renfort d’un ancien de 14-18, Isabella avec ses hommes qui se montreront particulièrement efficaces. Puis le groupe Pan-Pan sera rappelé en vue de participer à une attaque prévue pour libérer Annecy, mais dont il ne connaît pas les consignes, ni les heures. Portrait de maquisardRaymond BeauquisRésistantJean BéniRésistantGeorges GienRésistantClaudius LyardRésistantLucien Mégevand RésistantRené PerrinRésistant Mais aussi : Édouard Sylvestre, Buchet et Gillet, Les maquis