Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Tragédie de juillet 1944 : commémoration à Saint-Gingolph pour les 80 ans

Vision du village dévasté par l’incendie du 23 juillet 1944 perpétré par l’armée allemande en représailles de l’attaque des maquisards. Photo Collection JB Raphin

Lundi 22 et mardi 23 juillet, la commune franco-suisse de Saint-Gingolph commémorera les 80 ans d’un des épisodes les plus sombres de son histoire. Retour sur cette tragédie.

Pour trouver l’origine des événements de juillet 1944 à Saint-Gingolph, il faut replonger quatre ans en arrière, à l’époque du fameux 18 juin 1940, marqué par l’appel du Général de Gaulle à entrer en Résistance face à l’occupant allemand. Dès novembre de la même année, André Zénoni, Gingolais, prend la présidence du comité local de Résistance, qui vient d’être créé. Bénéficiant de sa position géographique et de sa frontière avec un pays neutre - la Suisse - le collectif participe à la création d’un tunnel dans les soutènements de la Morge qui permet la mise en place d’un réseau clandestin.

Bien plus tard, en mars 1943, les premiers groupes de résistants apparaissent en Haute-Savoie à la suite de l’instauration du service du travail obligatoire (STO). Des groupes de maquisards se réfugient dans la montagne, leur ravitaillement fait parfois fi de la frontière et transite par la Suisse. Le cimetière gingolais sera d’ailleurs le théâtre de fausses sépultures afin d’acheminer de la marchandise et des armes. La contrebande a aussi pris des voies lacustres.

Mais à la suite de plusieurs attaques menées par un groupe de maquisards surnommé “Corps franc Diables Rouges”, des soldats allemands venus remplacer les douaniers italiens du poste de Saint-Gingolph décident de fermer la frontière, le 8 septembre 1943. S’ensuivront plusieurs arrestations, notamment celle du maire, André Chevallay, finalement déporté.

Six habitants exécutés par l’armée allemande

En 1944, portés par la dynamique et le Débarquement des alliés en Normandie, les résistants haut-savoyards se décident à passer à l’action et attaquent, le 22 juillet, le poste allemand de Saint-Gingolph. Mais après deux heures de combats intenses, qui feront cinq morts côté gingolais et huit côté allemand, le commandant des maquisards ordonne la retraite. Effrayés par l’attaque et craignant des représailles, les habitants du village se présentent par dizaines à la frontière, qui leur est ouverte. Pas moins de 313 demandes d’asile seront accordées par le voisin helvète.

Des craintes qui s’avéraient fondées. Dès le lendemain, des soldats de la Wehrmacht (NDLR : l’armée allemande) venus d’Annemasse entrent dans la partie française de la commune, pillent, incendient les maisons et prennent en otage six habitants, dont le curé de la paroisse. Malgré les négociations d’André Chaperon, le président de la partie suisse de la commune, les cinq habitants sont exécutés et enterrés à la hâte dans une fosse commune. L’homme d’Église est quant à lui fusillé par une rafale de mitraillette. Son corps est jeté en bas d’un talus et recouvert de terre. Les dépouilles ne seront retrouvées qu’un mois plus tard, lors de la libération du village.

Le drame de Saint-Gingolph donnera lieu à de nombreux articles de presse, dans lesquels la solidarité suisse vis-à-vis de leurs voisins français sera fréquemment soulignée. Un épisode qui scellera l’esprit de fraternité qui alimente les deux parties du village frontalier. Ainsi, tous les 10 ans, une commémoration d’ampleur particulière remémore le souvenir douloureux du 23 juillet 1944. Cette année encore, de nombreux porte-drapeaux, élus français et suisses et représentants d’associations de mémoires seront présents les 22 et 23 juillet pour l’événement. Une cérémonie se tiendra au cimetière, suivi d’un concert du Choeur de l’armée française. Le lendemain, une itinérance mémorielle reliant les quatre monuments commémoratifs de la commune sera organisée. Notez enfin qu’un espace mémoriel sur la tragédie de Saint-Gingolph est accessible en libre accès tous les jours de 7 h à 23 h.

  • VICTIMES : Arlette BOCH (23 juillet)88, René BOCH (23 juillet), François BONAZ (22 juillet), Élie DERIVAZ (23 juillet), Valéry JEUNOT (22 juillet), Gonzalès MARIETTOZ (22 juillet), Henri RINOLFI (ou RINOLCCHI) (23 juillet), Louis ROSSILLON (abbé) (23 juillet), SOGOT (22 juillet), René VEYAN (23 juillet)
Tamara Vincent, 20 juil. 2024