Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Joseph Dalby, ce boulanger qui aurait été tué par Klaus Barbie en 1943

Michel Flahaut s’est rendu sur la tombe de Joseph DALBY

L’historien haut-savoyard Michel Germain a recueilli le témoignage des petites-filles de Joseph Dalby, ce boulanger qui aurait été tué par Klaus Barbie le 11 décembre 1943. Il revient pour nous sur cette page tragique de l’histoire de la commune…

Cinq heures du matin, le 11 décembre 1943. Il fait nuit. Il fait froid. Quelques cultivateurs de Gruffy s’en vont presser l’huile de noix à Balmont. En chemin, ils croisent une demi-douzaine de camions allemands et des voitures, qui montent vers le village. Le drame est en marche. Ces troupes viennent de Lyon et escortent un échelon élevé du SD lyonnais, venu ici sur les recommandations d’une personne de Gruffy, qui a l’habitude de commercer avec Lyon, où elle connaît beaucoup de monde, marché noir oblige.

Les soldats allemands guidés par quelque personne bien intentionnée…

Dans Gruffy, les camions s’alignent le long de la route. Les soldats allemands sautent des véhicules. Certains ont pour mission d’investir la bourgade, de cerner les maisons à la limite des champs et de pénétrer dans les habitations endormies. D’autres grimpent entre Guindes et Trophée, en direction de la baraque des réfractaires, guidés par quelque personne bien intentionnée. Car il y a bien des maquisards dans le coin.

À quelques kilomètres de là, se trouvent les baraquements du Chantier de Jeunesse n°8. Jean Boisset, originaire de Bourg-en-Bresse, décide un jour de quitter le Pont de l’Abîme et de prendre le maquis dans le Semnoz. Ainsi se forme ce petit maquis de gruffy, qui compte une dizaine de gars environ. Outre Jean, il y a Jean Leclerc, venu de Belgique, Pierre Valençot, neveu d’Octave Magnin dit Toto qui, s’il est électricien à Alby-sur-Chéran, est également le chef local de la Résistance, Marius Thômé d’Alby, et quelques autres gars qui se réfugient tout d’abord dans la grotte des Fours.

L’hiver venant, ils décident de s’installer à Lorma, où ils construisent une baraque de planches. Mais c’est encore à plus de 1 200 m d’altitude et il commence à faire froid. Ils redescendent ainsi dans la vallée et s’installent chez Jozon, au sommet de la Combe du Cormet, dans une maison abandonnée appartenant à Jean Daviet. Les populations sympathisent et apportent du ravitaillement chez René Charles ou Joseph Dalby, le boulanger. Louis Dalby, 17 ans, et des copains montent ensuite à la ferme les vivres nécessaires aux réfractaires. Parfois, ce sont ces derniers qui descendent. Il arrive même que Jean Boisset couche à la boulangerie.

Ce matin de décembre, peu avant 6 heures, à la Combe du Cormet, Jean sort pour satisfaire un besoin naturel. Planté devant la maison, il entend des voix, bien françaises qui disent : « Attention, c’est là ! Attention… » Il a compris, il bondit dans la ferme, prévient les copains et s’enfuit à toutes jambes dans le bois amont. Certains réfractaires réussissent à s’enfuir, mais les Allemands sont rapidement sur la maison. Pierre Valençot, qui sort à ce moment-là, est mitraillé sur le pas de la porte. Jean Leclerc n’a pas le temps de se lever que déjà, les fusils sont pointés sur lui. Les soldats crient, hurlent et fouillent la baraque sans résultats. Ils redescendent à Gruffy, traînant avec eux le jeune Belge.

En bas, la Gestapo dirige les opérations. Il est 7 heures moins le quart environ lorsque les policiers et la troupe font irruption dans la boulangerie de Joseph Dalby. En quelques secondes la maison est envahie, les clients poussés dans la rue et Joseph, saisi par deux soldats, est tiré dehors, à l’angle de la poste. Il est confronté à Jean Leclerc.

L’officier allemand, probablement Klaus Barbie vu le niveau du SD venu ici, questionne dans un français impeccable : « C’est là que vous venez chercher le pain et le ravitaillement ? » « Oui », répond le malheureux réfractaire. Le gestapiste frappe violemment Joseph, qui s’affaisse. Le soldat le plus proche lâche une rafale de mitraillette. Le policier nazi avance d’un pas, dégaine et tire une balle dans la tête du boulanger martyre.

SOURCE : Le Sang de la barbarie , La Fontaine de Siloé, 1996.

Louis, 17 ans, voit son père fusillé à ses côtés

Louis Dalby était debout aux côtés de son père lorsque celui-ci est abattu. Un nazi le pousse vers le four et lance : « Vous avez cinq minutes pour débarrasser ce que vous voulez. » Toute la famille court dans tous les sens pour tenter de sauver ce qui peut l’être. C’est alors qu’un des soldats redescend du premier avec le pistolet de Jean Boisset, qu’il vient de trouver dans le tiroir d’une table de nuit. Le gestapiste est furieux. Louis subit ses assauts : « Et ça, qu’est-ce que c’est ? À qui est-il ? » Le pistolet est sous le nez de Louis, silencieux, inquiet, car il ignorait la présence de cette arme. Les soldats pillent la maison. Il en est même un qui arrache l’alliance et les boucles d’oreilles de la boulangère. Leur besogne terminée, ils mettent le feu.

Louis réussit à s’échapper par le jardin en direction de la montagne. Planqué sous un buisson, il aperçoit une colonne allemande qui monte vers lui, précédée d’un chien. Il retient sa respiration. Longtemps après, une éternité s’est écoulée, il entend le tocsin. Pensant que les Allemands sont partis, il se hasarde chez Jeanne Beauquis. Au village, lorsque le feu a bien pris dans toutes les pièces de la maison Dalby, les nazis, pressés, s’en vont. Tandis qu’ils roulent vers Alby-sur-Chéran, les villageois s’emploient à éteindre l’incendie. Louis reste planqué dans le fenil jusqu’à ce que Jeanne, remontée du village, le rassure sur le départ des Allemands.

À Alby, la Gestapo intercepte Octave Magnin, à qui elle présente Jean Leclerc. Les barbares forcent l’électricien-résistant à descendre le talus qui mène à sa cave et le mitraillent sans sourciller. Jean est mis contre le mur d’en face. Un peloton sommaire l’abat. La maison Magnin est fouillée, pillée, dévastée avant d’être incendiée. Les nazis restent sur place et regardent la maison se consumer.

Par la suite, chaque fois que des camions de la Wehrmacht traversent Gruffy pour se rendre en Bauges, la peur saisit le village. Pendant un mois, Daviet, un vieux boulanger, assure le pain pour la commune. Petit à petit, la population aidant, la boulangère et ses quatre enfants reconstruisent leur maison. Louis reprend seul le métier de son père mais, tous les soirs, jusqu’en juin 1944, il couche sous un sapin à l’orée du bois. Quelle épreuve, à 17 ans, de voir son père fusillé à ses côtés…

Michel Germain, 13 sept. 2024
Lieux de mémoire en lien :
 Plaque Joseph DALBY et Pierre Valençot

Plaque Joseph DALBY et Pierre Valençot

Détail

Plaque commémorative en mémoire de Joseph DALBY et Pierre Valencot, assassinés le 11 décembre 1943 par les Nazis sous le commandement de Klaus Barby.

Lieu : Gruffy

 Stèle de la grange à Jason

Stèle de la grange à Jason

Détail

Sur l'emplacement de la « baraque à Joson », ultime refuge des victimes de la rafle du 13 décembre 1943, la municipalité de Gruffy, après acquisition du site, fit ériger, avec le soutien et la participation du Souvenir Français, cette stèle à la mémoire des victimes du nazisme. L'inauguration, chargée d'émotion, eut lieu le 3 mai 1998 en présence d'une foule imposante et de Jean Boisset unique rescapé de cette tragédie.

Lieu : Gruffy

Michel Flahaut s’est rendu sur la tombe de Joseph DALBYUn café littéraire animé par Michel Germain