Le gosse de 12 ans que j'étais en cet été 44 se souvient d'un bel été où il faisait bon aller faire un plongeon dans le Léman. Ou jouer à la petite guerre avec les copains : c'était toujours le maquis qui gagnait. Mais de temps en temps une voiture allemande passait sur la Nationale et parfois un convoi allemand nous ramenait à la réalité. On faisait semblant de ne pas les voir, mais pas question de les chahuter comme on le faisait parfois un an plus tôt avec les soldats de Mussolini. Leur présence était associée aux massacres de Bernex, d'Habère Lullin, de Féternes, des Glières, et de la rafle des 19-20 et 21 mai opérée dans de nombreuses communes rurales du Chablais. Rafle qui avait entraîné l'arrestation et la déportation de quelques 43 Résistants, notamment à Chens, Massongy, Nernier, Sciez, Veigy, Yvoire et dont 19 n'allaient pas revenir des camps de la mort. Tandis qu'à Ballaison l'odeur des maisons des Résistants incendiées le 21 mai flottait encore. Et tout cela avec l'aide des Miliciens français qui avaient fourni à l'ennemi les listes de patriotes à arrêter. Seulement voilà, il y avait eu le 6 juin, le débarquement allié tant attendu qui ajouté au rouleur compresseur de l'Armée Rouge chassant l'armée hitlérienne des territoires immenses qu'elle avait conquis, prenait le Reich hitlérien en tenailles. Seuls les nazis les plus convaincus croyaient encore en leur victoire. Pour aider au succès du débarquement, il fallait que dans toute la France les combattants des Forces Françaises de la Résistance multiplient les sabotages des voies ferrées, les attentats contre les lignes électriques, … Mais aussi multiplier la guérilla contre les convois allemands empêcher ces unités d'aller renforcer les divisions qui freinaient l'avance des alliés. Avec pour conséquences des représailles contre les populations civiles : c'était hélas le prix à payer pour bouter l'ennemi hors de France. Il n'est pas inutile de rappeler que cette mission fut parfaitement accomplie, puisque dans ces mémoires, le Général Eisenhower a écrit que la Résistance avait joué un rôle équivalent à 12 divisions américaines. Seulement voilà, en cette mi-juillet, la bête immonde avait encore du venin. Certes elle était affaiblie et plus un seul soldat allemand ne circulait dans les cantons d'Abondance, du Biot ou encore de la Vallée Verte. Et les familles de Miliciens avaient fui à Annecy en attendant de rejoindre Pétain à Sigmaringen. Répondant à l'ordre de leur chef de bataillon, les Résistants sédentaires du Bas-Chablais avaient rejoint nombreux le maquis des Voirons. Face à un effectif de quelques 350 maquisards, si proches de la garnison allemande d'Annemasse, il avait fallu créer de nouvelles compagnies et envoyer deux d'entre elles aux Carroz-d'Araches où elles allaient en août participer à la Libération de Cluses. C'est là que le fils d'un douanier de Loisin, René Giroud-Gerbettant, fait prisonnier, allait connaître une mort atroce, sous les coups de ses bourreaux. J'ai souhaité reconstituer le contexte dans lequel va se dérouler l'assassinat des 4 Résistants éviannais. Ce 19 matin le camp des Voirons est alerté, sur le passage probable d'un convoi allemand se dirigeant vers Annemasse via Douvaine. Aussitôt la compagnie 93-15 (F.T.P.F.), dite compagnie Franquis du nom de son chef, monte une embuscade en ce lieu qui nous rassemble aujourd'hui. Le tir des Résistants est particulièrement efficace : 3 Allemands tués et 6 blessés dont l'un décédera semble-t-il. Les occupants décident alors d'exécuter 4 otages. Ils choisissent donc 4 Résistants éviannais, membres de l'Armée Secrète, arrêtés la veille à Évian : Mario Bonopera, un maçon italien de 27 ans Ernest Gaillard, un boulanger de 40 ans Yves Roussey, 26 ans et son frère Raymond Roussey, 25 ans, tous deux coiffeurs. Ces 4 Résistants seront immédiatement exécutés à la mitraillette. Trois Français et un étranger, magnifique symbole de la Résistance haut-savoyarde, car les étrangers résistants, et notamment les Italiens, ont été nombreux dans notre département à combattre et mourir pour notre liberté. Ne l'oublions jamais en ce temps où trop de nos concitoyens font de tout étranger un ennemi de notre patrie. Cet assassinat qui sera suivi 4 jours plus tard des massacres deSaint-Gingolph, de Chevrier, et bien d'autres encore, n'empêchera pas la Résistance, un mois plus tard, jour pour jour, de libérer la Haute-Savoie. 80 ans ont passé, mais, comme dans tout le département le souvenir de nos martyrs doit rester vivant : nous leur devons notre liberté. N'oubliez pas et apprenez le aux jeunes générations.
Douvaine — La mémoire de quatre résistants évianais a été honorée Douvaine — 21 mai et 19 juillet 1944 : Exécutions au lieu-dit la Fully