Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Passeur de mémoire : le témoignage du Dr Pierre Rubin lors de la cérémonie du Giffre

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Le 5 avril 2025, à l’occasion du 81e anniversaire de la tragédie du Giffre, une cérémonie commémorative s’est tenue à Marignier. À cette occasion, le Dr Pierre Rubin, né le 1er mars 1934, président honoraire du comité du Souvenir Français Vallée Verte – Quatre Rivières, a tenu à partager un témoignage personnel, fort et émouvant, retraçant l’engagement de son père, le Docteur Rubin, durant la Seconde Guerre mondiale.

Basé à Saint-Jeoire (Haute-Savoie), le Dr Pierre Rubin père fut l’un des médecins de la Résistance, notamment actif auprès du maquis du Môle. Il soignait les combattants clandestinement, chaque semaine, dans la maison Gaillampiod à Cormand. Traqué par la Gestapo, il dut à plusieurs reprises se mettre à l’abri avec sa famille, notamment dans l’immeuble Borca, situé au Giffre.

« Nous vivions dans l’angoisse des bombardements alliés. Dès que la sirène retentissait, nous étions prêts à descendre dans les caves de l’immeuble. » témoigne Dr Pierre Rubin.

Dans cet immeuble se cachaient également plusieurs officiers du 27e BCA, comme Jacques Griffolet d’Aurimont, Jacques Lalande ou Pierre Barillot, qui encadraient les maquis de la vallée du Giffre. Le lien entre le Giffre et les Glières était fort : un tiers des effectifs du plateau des Glières venaient du Giffre.

L’immeuble, le café et le réseau

Le café-restaurant de l’Union, tenu par ses grands-parents Louis Borca et Mélanie Borca, était un lieu discret mais actif de la Résistance. C’est là que Henri Plantaz, chef de l’A.S. compagnie de la vallée du Giffre, était régulièrement vu. Il avait succédé à Jean Carrier, tué à Pouilly (Saint-Jeoires) le 28 janvier 1944. Le Dr Pierre Rubin évoque aussi Le Tallec, Clavel, Gaby Casaï, Michel Germain, et d’autres figures qui œuvraient dans l’ombre.

« Nous admirions Henri Plantaz. Pour nous, il était déjà un héros. »

Les réunions de l’A.S. se tenaient dans la salle de danse derrière le café. Pour plus de discrétion, les arcades donnant sur la salle avaient été obstruées par des planches. Ce lieu, qui servait de poste de commandement, permettait une fuite rapide vers les sentiers d’Anthon en cas d’alerte.

Le rôle de l’usine du Giffre

L’usine du Giffre fut une plaque tournante de la Résistance : point de contact, de cache, et lieu de passage. Des résistants comme Rodolphe Ruffenach, Salomon (capitaine), Jean Rosenthal (Cantinier), et Auguste Noir y œuvraient. De nombreux maquisards s’y sont réfugiés, notamment après les combats de Foges (22 février 1944) et des Glières (26 mars 1944).

Le camp des Places, au-dessus du Giffre, créé dès 1942 par Jean Carrier et Henri Plantaz, est rappelé comme le premier maquis structuré militairement en France.

Le 1er avril 1944 : la tragédie

Ce jour-là, Henri Plantaz se trouvait au Giffre pour rejoindre Marcel Bertrand de Mieussy. Ils devaient récupérer un agent britannique en lien avec Londres. Mais les Allemands investirent Cormand, puis l’usine. À Cormand, des habitants furent alignés contre un mur certaines maisons furent incendiées. (Mémorial pour l’oppression 3808 W1450)

À l’usine, les suspects, dont Henri Plantaz, furent alignés contre un mur. Un gestapiste nommé Groom, accompagné d’un traître, désigna plusieurs résistants : Francis Borca, Louis Borca, Paul Le Tallec, Henri Muffat, Fernand Reano, et Henri Plantaz.

Face à la menace d’exécutions, aucun ouvrier ne parla. Henri Plantaz se désigna lui-même pour protéger ses camarades. Il tenta de s’échapper par le canal d’évacuation de la centrale hydraulique, mais fut abattu. Dans le chaos, René Dorioz, Angel Diana, et Joseph Baud tentèrent de fuir rattrapés, ils furent exécutés

Arrestations, déportations, exécutions

Les prisonniers furent transférés à Annecy. Le directeur de l’usine, M. Cavalieri, réussit à faire libérer dix détenus.

Le 13 août, à Morette, trois d’entre eux — Paul Le Tallec, Vassili Tchikaloff et Lucien Garot — furent fusillés.

Trente autres résistants furent déportés, entassés dans des wagons. Près de la moitié ne revinrent jamais.

Hommage à la population locale

« Je profite de ces quelques lignes pour rendre hommage à toute la population locale, à son courage silencieux et à sa solidarité. » conclut le Dr Pierre Rubin.

Ce témoignage rare et bouleversant, enrichi de souvenirs personnels et de témoignages croisés, rappelle combien la mémoire vivante reste essentielle pour transmettre l’histoire, honorer les sacrifices et préserver les leçons du passé.

Lieux de mémoire en lien :
 Stèle Henri Plantaz

Stèle Henri Plantaz

Détail

Au printemps 1944, les Allemands ne se présentaient plus qu’en nombre dans la vallée du Giffre. L’action de la Résistance s’y révèle implacable et les entraîne à rechercher tout particulièrement Henri Plantaz, l’un des derniers cadres de l’Armée secrète dans le secteur. Le samedi 1er avril, les soldats de la Wehrmacht envahissent l’usine du Giffre et les hameaux alentours. Au cours de cette rafle, Henri Plantaz, 23 ans, tombe sous les balles allemandes.

Lieu : Marignier

 Mémorial des déportés du Giffre

Mémorial des déportés du Giffre

Détail

Le mémorial des déportés du Giffre réalisé par Fernand Deschamps rend hommage aux trente personnes qui ont été arrêtées le 1er avril 1944 à l’usine du Giffre puis déportées dans les camps de Buchenwald.

Lieu : Marignier

 Plaque monuments aux morts

Plaque monuments aux morts

Détail

Monument commémoratif surmontée de la statue d'un poilu disposant sur l'une de ses quatre face d'une plaque inscrite rendant hommage aux habitants morts en déporation ou fusillés par les Allemands

Lieu : Marignier