Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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80 ans de la Libération d’Annecy : résistants, centenaires et mis à l’honneur

Lionel Martin (à gauche sur la photo) et Claudius Lyard (à droite), anciens résistants ayant participé à la libération d’Annecy, ont reçu la médaille de la ville. Photo Le DL/Greg Yetchmeniza

Alors que la Libération d’Annecy se déroulait il y a 80 ans, le 19 août 1944, les associations de Haute-Savoie ont commémoré cette journée ce lundi. Deux hommes, Lionel Martin et Claudius Lyard, parmi les derniers résistants vivants, étaient présents.

Le 19 août 1944, la ville d’Annecy était libérée. Deux hommes sont les témoins vivants de cette époque. 80 ans après la libération, Lionel Martin et Claudius Lyard sont assis côte à côte, sous la grande tente blanche installée pour l’occasion devant le monument aux combattants de la ville. Héros de l’ombre, ils sont les invités d’honneur de la commémoration

D’apprenti boucher à résistant

Lionel Martin est né en 1922 dans le Var. Il sort de l’école d’horlogerie de Cluses en 1942. Celui qui a aujourd’hui 102 ans s’engage dans l’armée d’armistice et participe au sabordage de la flotte de Toulon. Il est fait prisonnier par les Allemands, s’échappe. Plus tard, il parvient à s’éclipser du convoi qui l’emmène vers le Service du travail obligatoire (S.T.O.). C’est sous le pseudonyme de “Nello” qu’il entre en résistance en Haute-Savoie. Réception de parachutage, renseignement, trafic de tickets de rationnement… Pour Lionel Martin, « s’engager était naturel. J’ai fait ce que tout le monde aurait dû faire ». Le jeune homme rejoint en février 1944 le maquis haut-savoyard en entrant dans la compagnie 93-04 (F.T.P.F). Il contribue à des combats et à des attaques de convois. « J’ai appartenu aux scouts, je savais faire la cuisine et dormir dehors », sourit le centenaire. À partir de septembre 1944, il participe à la refondation du 27e  bataillon des chasseurs alpins (BCA).

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Extrait du film : la guerre de Lionel Martin

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Interview de Lionel Martin

À ses côtés, Claudius Lyard, le dos droit sur son fauteuil, originaire de Metz-Tessy, est un jeune apprenti boucher lorsque la guerre éclate. Il refuse d’intégrer les Sentiers de jeunesse du régime de Vichy et décide de fuir et de se cacher à La Balme-de-Sillingy lorsqu’il est convoqué pour les S.T.O. Il devient résistant sous le nom de “Boton”, au sein de l’Armée secrète. Il réceptionne notamment les parachutages du 8 mai 44 à Vauld et du 1er  août 1944 au plateau des Glières. Il assiste au largage d’armes et de munitions destinées au maquis. Plus tard, il rejoint la nouvelle force du 27e  BCA reconstitué.

Si Lionel Martin, blessé à Boëge lors d’un parachutage, n’était pas présent à la Libération d’Annecy, Claudius Lyard y était. Ses yeux graves s’animent lorsqu’on l’interroge sur ce 19 août 1944. Il assiste à la fusillade devant la caserne Galbert.

« C’est la personne à côté de moi qui a tiré sur les Allemands »

700 soldats allemands y séjournaient. Un raid éclair y est mené afin d’obtenir la capitulation des soldats allemands à l’aube de ce 19 août. L’opération est dirigée par Lucien Mégevand, dit capitaine “Pan-Pan” , responsable de l’armée secrète pour le secteur d’Annecy Nord.

La majorité des officiers était prête à se rendre. Mais quatre SS ont souhaité résister, et se sont interposés, dont Nicolas Fromes, qui a tiré sur “Pan-Pan”. Les FFI répliquent. « C’est la personne à côté de moi qui a tiré sur les Allemands », raconte Claudius Lyard. Deux SS et deux Annéciens trouveront la mort. “Pan-Pan” sera soigné à Saint-Julien-en-Genevois et vivra. Ensuite, « on a reçu l’ordre d’aller à Aix-les-Bains » détaille le vieil homme portant, tête haute, le béret du 27e BCA.

La médaille de la ville d’Annecy a été remise aux deux centenaires, en présence du consul des États-Unis Richard Johns et du préfet de la Haute-Savoie Yves Le Breton. Lionel Martin et Claudius Lyard représentent « les histoires des milliers d’anonymes qui se sont engagés, ont combattu de mille manières, avec des gestes petits et grands, pour défendre des idées plus grandes qu’eux », témoigne le maire d’Annecy Francois Astorg. « Je n’ai pas cherché les honneurs, je n’ai jamais fait de demandes de médailles, ce sont des amis qui ont fait ça pour moi » précise Lionel Martin, les joues gravées de rides. « Je n’aurais jamais pensé qu’une journée comme celle-là arriverait. »

« Cette journée a été l’occasion de rencontrer ma demi-sœur »

Lionel Martin avec son fils et sa fille et Claudius Lyard. Photo Le DL /G.Y. « Cette journée a été l’occasion de rencontrer ma demi-sœur »

Lionel Martin Junior est le fils du résistant Lionel Martin. Il est venu des États-Unis, où il habite, avec son père. Cette journée est pour lui pleine d’émotion. « Mes mains tremblaient pendant la cérémonie », confie-t-il. « Je n’avais pas réalisé à quel point la Libération était aussi importante pour les Haut-Savoyards. » Cette journée est aussi l’occasion de rencontrer pour la première fois sa demi-sœur, Anne-Marie Gay, qu’il n’avait jusqu’alors jamais vue. Née en décembre 1944, avant que Lionel Martin ne parte pour les États-Unis en 1949, cette dernière a été élevée en Haute-Savoie par sa mère, et a renoué des liens avec son père en 1996.

L’association Welcome Lionel a fait venir le résistant depuis les États-Unis

« J’étais résistant dès le jour où la France a décidé de ne pas se battre », assure Lionel Martin, 102 ans, résistant haut-savoyard, qui a fait spécialement le voyage depuis les États- Unis. Photo Le DL/Louise Raymond

Lionel Martin s’est installé aux États-Unis en 1949 et y demeure toujours aujourd’hui. L’association Welcome Lionel a été créée afin d’organiser sa venue en France. Sur le fauteuil roulant de ce dernier, on peut encore apercevoir l’étiquette de bagage de l’aéroport de Genève.

« Cela a été tout un concours de circonstances pour en arriver là », témoigne Irène Odesser, la femme de Michel Odesser, secrétaire de l’association Welcome Lionel. C’est un article de L’Essor Savoyard en 2012 qui attire l’attention de Michel. L’article dévoile des photos inédites d’une exécution à Annecy en novembre 1944, dont les clichés ont été pris par Lionel Martin, présent sur les lieux. Or, les clichés ont été développés par le propre père de Michel Odesser, alors photographe.

Il contacte alors Lionel Martin et découvre l’incroyable histoire de cet homme. Avec l’association, un film ainsi qu’un livre ont été créés sur la vie du résistant. Une cagnotte a aussi été organisée afin de financer son voyage , « qui n’a pas donné grand-chose pour le moment », souffle Michel Odesser.

ouise de Maisonneuve