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Thonon — Benjamin Silvestre, « Un hommage, à ma façon, à ces parcours héroïques »

27035,Thonon — Benjamin Silvestre, « Un hommage, à ma façon, à ces parcours héroïques »,

Jeudi 30 janvier, le cinéma Le France projettera Lazare Silbermann , film documentaire de Benjamin Silvestre. Le réalisateur est parti sur les traces de l’enfance de son père, caché pendant la Seconde Guerre mondiale à Saint-Paul-en-Chablais.

Ce film éclaire votre histoire familiale. Quel élément déclencheur a motivé sa réalisation ?

« J’ai eu envie de reprendre le dialogue avec mon père, connaître l’histoire de son enfance, dont on ne m’a jamais parlé. Mon père était atteint de la maladie d’Alzheimer lorsque j’étais ado. Réaliser un film sur la Shoah n’était pas évident il y en a eu beaucoup, et de très beaux. J’ai trouvé une façon singulière, personnelle en traitant de la mémoire, de la transmission. »

Quelles recherches a nécessité cette démarche ?

« J’ai été le premier de ma famille à me rendre dans des centres d’archives. Sur la table, devant ces dossiers, j’ai pris conscience du lien qui existe entre la mémoire intime, familiale et collective. En confrontant ces archives à celles qu’a conservées ma grand-mère et à des souvenirs que j’ai pu recueillir, j’ai abordé ce film comme une forme de dialogue avec mon père. J’ai notamment rencontré Salomon Malmed, qui traverse le film et a, comme mon père, été caché à la Chaumière, à Saint-Paul-en-Chablais. »

Qu’avez-vous appris de ce qu’ont vécu ces enfants dans ce village ? « Salomon Malmed et moi sommes revenus sur les lieux. J’ai pu rencontrer l’association Mémoire et patrimoine et découvrir cette maison où ils ont été cachés. Salomon a ressenti une certaine culpabilité d’avoir de beaux souvenirs de cette période où ces enfants étaient protégés et entourés. Il se souvenait d’un poirier et avait encore, dans la bouche, le goût d’une poire savourée à l’époque. C’était important de passer par le sensible, le palpable, de dérouler dans le présent ce film qui parle du passé. Dans une séquence, je touche les archives et les lis à voix haute, comme pour les faire résonner dans l’espace.  »

Comment appréhendez-vous la projection de jeudi ?

« Cette projection, dans la région même où ces enfants ont été protégés, ont essayé de vivre, sera un moment fort. J’ai travaillé cinq ans sur ce film et ma première visite à Saint-Paul-en-Chablais, date d’octobre 2020. Je me suis rendu aussi à Cruseilles car mon père a été caché au château des Avenières.  »

À travers ce travail, c’est la mémoire de tous les autres enfants cachés que vous évoquez ? « C’est un hommage, à ma façon, à ces parcours héroïques, et une réflexion sur comment vivre avec ces souvenirs. Au moment de célébrer les 80 ans de la libération d’Auschwitz, ce film met en lumière la mémoire de cette famille séparée, traquée et dont certains ne reviendront pas. Ceci, pour ne jamais oublier la tragédie. En l’écrivant, j’ai été habité par ce qu’a pu vivre un enfant de 6 ans, mon père, comme tant d’autres : déplacé, parfois seul dans des lieux inconnus, avec la menace et la peur de ne pas revoir ses parents ou de disparaître. Ce ressenti-là, ce qui a été vécu profondément, m’échappe encore.  »

Virginie Drocourt assistera, jeudi, à la projection de Lazare Silbermann , qu’elle a vu l’an dernier à Paris lors d’une avant-première. Cette habitante de Douvaine, qui exerce à Genève au sein de différentes organisations non gouvernementales, a entrepris, il y a six ans, d’intensives recherches sur l’histoire de sa famille. Deux cousins germains de son père, Micheline et Jean Reznikow, frère et sœur, ont été cachés à Saint-Paul, à l’instar du père du réalisateur Benjamin Silvestre. « On ne m’a rien transmis de cette histoire. Je pensais ne rien trouver et finalement, plus je cherchais, plus je trouvais », relate celle qui a grandi en Normandie et espère publier un jour un roman graphique de « cette histoire complètement folle, qui dépasse la fiction ».

En attendant, Virginie Drocourt intervient dans les établissements scolaires, comme en novembre au lycée Saint-Joseph à Thonon, auprès d’élèves préparant le concours national de la Résistance et de la déportation.

Le film

Projection jeudi 30 janvier à 20 heures au France, à l’initiative de l’université populaire du Chablais, en collaboration avec les Bobines du Léman et en présence du réalisateur. La séance se poursuivra par un échange avec les spectateurs. Tarifs : 5 € ou 6,50 €.

Produit par Michèle Soulignac et Les Films du Carry, sorti en salles au printemps 2024, le film sera également projeté le 27 avril au Mémorial départemental de la déportation de Thônes.

Le réalisateur

La filmographie de Benjamin Silvestre, entre fictions et documentaires, qui traverse les genres, s’intéresse notamment à la mémoire et au corps.

De Silbermann à Silvestre

Pendant ses premières années, Claude Silvestre, le père du réalisateur, s’appelle Lazare Silbermann. Âgé de 3 ans lorsque la guerre éclate, traqué parce que juif, il sera caché dans des maisons d’enfants en Haute-Savoie. « Ma grand-mère, qui travaillait à la mairie de Mâcon, a établi de faux papiers. Il n’y a plus de Silbermann dans notre famille. Je n’ai pas d’explication. Je vois cela comme une trace de ce qu’ils ont vécu, quelque chose à honorer de leur histoire », confie le cinéaste.

Le destin de La Chaumiere

En 1943, l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) ouvre une maison d’enfants, La Chaumière, à Saint-Paul-en-Chablais. Elle accueille d’abord des enfants juifs, dans l’attente de leur trouver une cache plus sécurisée puis, à la suite de la rafle du bureau de l’OSE, à Chambéry, les enfants de la Chaumière sont dispersés. Rouverte en 1945, la bâtisse deviendra, de 1949 à 1953, une colonie de vacances.

Le cinéma Le France projettera Lazare Silbermann

L’association Mémoire et patrimoine de Saint-Paul-en-Chablais propose le jeudi 30 janvier à 20 heures au Cinéma Le France, la projection du film Lazare Silbermann de Benjamin Silvere. Le film retrace les événements liés à la Seconde Guerre mondiale dans le refuge pour enfants juifs à La Chaumière de Saint-Paul. En lien avec l’université populaire du Chablais et les Bobines du Léman, et en présence de l’auteur, ce sera l’occasion de découvrir le parcours de Lazare Silbermann, caché durant cette époque, en Chablais et en particulier à Saint-Paul. La projection sera suivie d’un échange avec les descendants des enfants rescapés. Le film a été lauréat de la bourse Brouillon d’un rêve de la Société civile des auteurs multimédia. Il a notamment été produit par Michèle Soulignac, Les Films du Carry, et soutenu par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, le Mémorial de la Shoah, la Fondation Claude Levy - enfants juifs cachés, la région AuRa, le CNC et Lyon Capitale TV.

Pascal Arvin-Bérod P.A.-B., 28 janvier 2025
Lieu de mémoire en lien :
 Mémorial de la Déportation

Mémorial de la Déportation

Détail

Le Musée départemental de la Résistance et le Mémorial de la Déportation prennent place sur le site de Morette qui comprend également la nécropole nationale des Glières. Ces établissements sont gérés par le Département de la Haute-Savoie.

Lieu : La Balme-de-Thuys