Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Revenu de l’enfer, Lucien Colonel était "un homme libre et fort"

Lucien Colonel avait été promu au grade de commandeur de l’Ordre de la Légion d’honneur par Jacques Chirac. Une distinction décernée sur la réserve présidentielle.

Résistant, déporté, évadé, porteur de mémoire et photographe de presse : Lucien Colonel, décédé à l’âge de 91 ans, dans la nuit de vendredi à samedi, était tout cela et même plus à la fois. Né le 21 juillet 1925 à Paris, détenteur de très nombreuses distinctions - Médaille militaire avec citation, croix de Guerre avec palme, croix du Combattant volontaire de la Résistance -, il était commandeur de l’Ordre de la Légion d’honneur.

La guerre lui fait quitter l’école supérieure de Grenoble en 1940. À 14 ans, pour vivre, il devient commis épicier le jour et monte des vélos la nuit à Lyon.

De retour à Grenoble en 1942, l’employé du Crédit Lyonnais entre dans la Résistance au sein du mouvement Libération Sud : il est agent de renseignement et de liaison entre la Savoie et l’Isère, transporte et distribue des tracts et des journaux clandestins.

Le 11 novembre 1943, lors de la commémoration de la Grande Guerre au monument aux morts de Grenoble, il est arrêté avec 400 autres jeunes. Après un transfert à Compiègne, il est déporté à Buchenwald, à Dora puis aux commandos disciplinaires d’Osterhagen, de Mackendrode et de Wieda. Au total, il restera 18 mois prisonnier, dont 16 mois en univers concentrationnaire.

Évadé mais repris par les SS en avril 1945, il parvient à s’échapper dès le lendemain et échappe ainsi à la tragédie de Gardelegen où périrent brûlés vifs 1016 déportés.

Quand il est rapatrié en France, en juin 1945, il pèse 36 kg. Il est successivement hospitalisé à Aix-les-Bains, puis au plateau d’Assy, où il apprend la photographie.

Lucien Colonel intègre la rédaction du Dauphiné Libéré en 1952 comme reporter-photographe, jusqu’à diriger le service photo haut-savoyard jusqu’à sa retraite en juin 1980.

Depuis lors, il n’a de cesse d’éveiller les consciences, participant ou initiant sans relâche des rencontres avec des collégiens et des lycéens, notamment. Il crée même une exposition itinérante sur l’univers concentrationnaire nazi qui sera accueillie dans plus d’une centaine de villes et établissements scolaires. Ce devoir de mémoire, Lucien Colonel le sert aussi à travers le Concours national de la Résistance et de la Déportation (membre du jury) et en accompagnant des visites dans les camps de concentration.

Tant qu’il le peut, Lucien Colonel déploie une énergie inlassable pour que les nouvelles générations prennent conscience du déni d’humanité que l’Europe a connu.

« Ce qui est remarquable, c’est que vous ne témoignez pas en victime mais en homme libre et fort », soulignait le général Jean-René Bachelet lorsqu’il lui remet sa cravate de commandeur de la Légion d’honneur, le 2 juin 2007. « Bien sûr, vous évoquez l’horreur indicible : le froid, la faim, les coups, la souffrance, les cris, les hurlements, les aboiements, la peur, l’épuisement, la crasse, les odeurs, la promiscuité, la misère, la maladie, la mort… Mais par votre seule présence, votre ton, votre manière d’être, votre vitalité, on ressent qu’au-delà de cet enfer, il reste l’homme, sa dignité, sa liberté, l’homme et sa capacité de résistance à l’ignominie. »

Cet homme à la fière allure et au port altier, plusieurs générations de journalistes du Dauphiné Libéré ont eu la chance de le côtoyer au quotidien. À travers ses reportages auprès des plus célèbres comme des anonymes, les lecteurs ont eux bénéficié de scoops ou d’images rares, et surtout de la traduction de rencontres. Car la vie se trouvait, toujours, dans le viseur de Lucien Colonel.

Vidéo

Vidéo Revenu de l’enfer, Lucien Colonel était « un homme libre et fort » id:acYGuzOeTIY

Lucien Colonel, KLB9777, voyage de la mémoire 60 ans après

Le Dauphiné Libéré, 22 Janvier 2017
Revenu de l’enfer, Lucien Colonel était Lucien Colonel, ancien de Buchenwald (39777) Dora, Ellrich, Wieda,