Le Souvenir Français
Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Chamonix — Il y a 80 ans, le maquis reprenait le pied du Mont-Blanc : « Les gens s’embrassaient et chantaient »

Chamonix — Il y a 80 ans, le maquis reprenait le pied du Mont-Blanc : « Les gens s’embrassaient et chantaient »

Le 17 août 1944, la vallée de Chamonix récupérait sa liberté grâce à la Résistance qui poussa à la reddition l’occupant allemand. Retour sur les quelques jours qui permirent ce renversement de situation ayant entraîné des scènes de liesse.

En août 1944, une garnison allemande composée d’une cinquantaine de douaniers postés à Argentière et Vallorcine occupe la vallée de Chamonix. De nombreux soldats revenus du front, convalescents ou blessés, mais armés, y résident aussi. Au total, environ 360 Allemands occupent le Majestic, véritable forteresse, les hôtels Richemond et de la Croix Blanche mais aussi l’immeuble de la Roseraie, siège de la Gestapo.

Mais en face d’eux se constitue une compagnie de 80 sédentaires renforcée d’hommes actifs cachés dans des chalets d’alpages et des corps francs disséminés dans toutes les communes de la vallée, une armée secrète de maquisards , l'A.S. Compagnie de Chamonix, commandée par capitaine Raoul Lanet (dit Bourrel) .

Le 15 août les hommes du Corps franc de Vallorcines rejoignent le verrou stratégique du pont Sainte-Marie, aux Houches. Dans la nuit, ils interceptent un détachement allemand transportant deux otages. Ces derniers profitent de la confusion de l’instant pour s’échapper. Le détachement qui devait aider au repli de la garnison allemande est repoussé. Celle-ci reste ainsi isolée.

Le 16 août, le groupe de résistants postés dans cet étroit défilé est rejoint par six Chamoniards. Vers 8 heures, un camion allemand descendant de Chamonix s’engage sur la route sinueuse. À l’intérieur se trouvent trois otages chamoniards, ce qu’ignorent les maquisards qui ouvrent le feu. Une balle touche des munitions qui explosent. Des soldats allemands périssent, les otages, presque miraculeusement échappent aux balles et sautent dans l’Arve. Les Allemands pris sous le feu de la Résistance se rendent. La libération de Chamonix est lancée.

Des hommes envoyés de l’autre côté du col de Voza sont rappelés. Après une nuit éreintante, ils descendent en courant vers les Houches et prennent place au Fouilly. Le 17 août au matin, les corps des huit militaires tués la veille et l’avant-veille sont rendus aux Allemands, impressionnés par la puissance de feu du maquis. Pendant ce temps, des tractations s’opèrent entre les chefs de la Résistance et ceux de la garnison allemande. Une reddition sans concession est exigée. Pour l’obtenir, le maquis entre en ville et se positionne près du Majestic et de l’hôtel Richemond. Le commandant de la garnison allemande hésite encore mais fait savoir, à 17 heures qu’il accepte les conditions des maquisards, d’autant plus qu’il apprend la reddition du Fayet, une heure plus tôt.

« La foule sortait dans la rue et clamait sa joie »

Bien qu’il n’eût alors que 17 ans, René Bozon se souvient bien des scènes de liesse qui ont suivi et dont certaines ont été immortalisées par le reporter du Dauphiné Libéré Philippe Gaussot. « La foule sortait dans la rue et clamait sa joie. Les gens s’embrassaient et chantaient », raconte 80 ans plus tard le Chamoniard. 350 prisonniers sont alors enregistrés. Les habitants remettent de l’ordre dans la vie quotidienne. Certaines femmes sont tondues pour avoir fréquenté des Allemands, mais un appel au calme est lancé pour éviter les règlements de compte.

Un comité de libération prend en main la destinée de Chamonix et nomme Jules Devouassoud maire. Chamonix et sa vallée sont libérés mais la guerre continue à la frontière. En liaison avec la Résistance de la vallée d’Aoste, décision est prise d’occuper le refuge Torino afin de contrôler la frontière avec l’Italie, toujours occupée par la Wehrmacht et ses alliés. Deux partisans italiens rejoignent les Français pour leur apporter des précisions sur les mouvements des troupes allemandes en Italie du Nord. Le 2 octobre 1944 profitant d’un brouillard dense, les Allemands réussissent à reprendre ce poste d’altitude avancé. « Trois Français perdent la vie et six autres sont faits prisonniers. Un résistant italien se jette dans le vide. Son corps n’est retrouvé que l’été suivant sur le glacier de Toule. Il a préféré se suicider que de céder à l’ennemi l’organigramme de la résistance valdôtaine qu’il portait sur lui », raconte René Bozon qui fut ensuite témoin en tant qu’opérateur radio des derniers affrontements mené au col du Midi le 17 février 1945, dernier soubresaut du conflit mondial au pays du Mont-Blanc.

Baptiste Savignac, 18 août 2024