Mesdames et Messieurs, en vos titres, fonctions et qualités, le Souvenir Français de Haute-Savoie vous remercie de votre présence. En ce 15 juin 2025, nous sommes rassemblés ici, au cœur des bois des Puisots, sur ce site marqué à jamais par la douleur et la mémoire. Ce lieu, paisible aujourd’hui, fut autrefois le théâtre d’un drame innommable, survenu peu avant la libération de notre département, le 19 août 1944. Nous sommes ici pour nous souvenir. Pour faire revivre, le temps d’un hommage, les visages et les noms de ceux qui, en 1944, ont été fauchés par une violence aveugle et impitoyable. Car le devoir de savoir précède le devoir de mémoire. Depuis le 31 janvier 1944, l’état de siège avait été décrété par l’intendant de police Georges Lelong, aux ordres de Charles Darnand, chef de la Milice française. Dans le contexte sombre de l’Occupation, alors que le Débarquement du 6 juin en Normandie laissait entrevoir l’espoir d’une France libre, la répression s’intensifiait. Ici même, dans ces bois paisibles, l’un des drames de cette époque s’est joué, laissant une cicatrice encore vive dans la mémoire des familles et de notre territoire. Alors que notre pays vivait sous la peur et l’oppression, des hommes innocents ont été arrachés à leur vie, à leurs familles, à leur avenir. La barbarie nazie, appuyée par la collaboration, semait la terreur, exécutant froidement résistants, otages, civils, au nom d’une domination sans humanité. Ce jour-là, le 15 juin 1944, les Puisots devinrent le théâtre d’un acte inqualifiable. En représailles aux actions de la Résistance et dans une volonté aveugle d’écraser toute tentative d’émancipation, des vies furent fauchées sans pitié. Le sang versé ici est celui de martyrs tombés pour que vive la France, pour que survive notre liberté. Trois miliciens, qui reconnaîtront lors de leur procès devant la cour martiale du Grand-Bornand le 25 août suivant, avoir dénoncé les habitants après le départ des résistants, guidèrent les Allemands vers cette clairière. L’opération fut dirigée par le « lieutenant » Rassi, à la tête de la1ere compagnie, composée d’une trentaine d’hommes. La ferme Machenaud, repaire de réfractaires et de maquisards, fut investie, pillée. Quatre hommes — dont un jeune de dix-sept ans — furent arrêtés, jetés dans la ferme, puis brûlés vifs. Des témoignages d’après-guerre, recueillis auprès de prisonniers allemands, viendront appuyer cette horreur. Les femmes de la famille furent emprisonnées à l’école Saint-François à Annecy. Les Allemands quittèrent les lieux en fin d’après-midi, après avoir pillé tout ce qui pouvait l’être, y compris le petit bétail. Ils laissèrent derrière eux un hameau dévasté, livré aux flammes, incendié à coups de grenades. En ce jour de mémoire, nous ne venons pas simplement commémorer. Nous venons affirmer que ces hommes ne sont pas oubliés. Leur sacrifice a nourri les racines profondes de notre République. Par notre présence, par nos paroles, nous prolongeons leur combat : celui de la justice, de la dignité humaine, de la paix. Nous nous inclinons, avec respect et gravité, devant : Fernand Machenaud, 38 ans Louis Machenaud, 42 ans Louis dit Loulou Machenaud, 17 ans Joseph Petit, 39 ans Nous pensons à leurs familles, à leurs descendants. Nous leur devons plus qu’un hommage : nous leur devons un engagement. Celui de transmettre leur histoire, pour qu’elle ne sombre jamais dans l’oubli. Celui de faire face à l’oubli, à l’indifférence, à l’ignorance. La tragédie des Puisots est une plaie dans notre mémoire collective, mais elle est aussi un appel à la vigilance, un rappel que les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité doivent sans cesse être défendues. Et ce 15 juin 1944 ne s’acheva pas là. Vers 21h, Jacques Lespès, sous-préfet de Bonneville, arrêté la veille pour s’être opposé à une opération du Groupe mobile de réserve, fut à son tour exécuté dans la cour du quartier Galbert, à Annecy. Que ces mots, aujourd’hui, soient une promesse.. La promesse que ces hommes ne sont pas morts pour rien.. La promesse que nous ne les oublierons jamais. Vive la mémoire des victimes des Puisots. Vive la Résistance. Vive la République. Vive la France.
Annecy — 15 juin 1944 : Tragédie du hameau des PuisotsHaute-Savoie : Journée d'hommage pour Jacques Lespès et inauguration d'une stèle à ÉteauxBonneville — Plaque Jacques Lespès