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Genève — 291 soldats oubliés de la Grande Guerre retrouvent leur place dans l’Histoire

Le Monument dédié « aux Français de Genève et aux volontaires suisses Morts pour la France ». Photos Le DL/Greg Yetchmeniza

À l'occasion de la cérémonie du 11 Novembre, ce lundi à Genève, l'association Mémoires a dévoilé les noms de 291 hommes, nés à Genève ou dans la région frontalière et tombés au front durant la Première Guerre mondiale, et jusqu'ici oubliés de l'histoire. Leurs noms sont désormais inscrits sur deux monolithes apposés au monument au Morts de Genève, inauguré 100 ans plus tôt avec 880 noms.

Ils s’appelaient Ernest, Auguste ou encore Gabriel. Comme 883 autres soldats, ces mobilisés français et volontaires suisses ont combattu le fer et le feu aux côtés des poilus dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Pourtant, leur sacrifice était jusqu’ici resté dans l’oubli. Leurs corps dispersés dans les méandres de la tragédie, leurs noms enfouis dans les archives.

Pour retrouver ces engages français et volontaires suisses, une enquête a été menée durant deux ans par deux chercheurs de l'université de Genève, qui se sont plongés sur des bases de données et des archives franco-suisses. "Ils témoignent de leur solidarité dans les heures sombres et de devoir qu'il nous reste de conserver la paix", a déclaré Nicolas Ducimetière, président de l'association.

" La France se souvient de tous ces héros et de ces héroïnes qui ont accueillis nos blessés et sauver de nos vie; a déclaré Marc Feracci, ministre délégué chargé de l’Industrie et ancien député des Français établis hors de France (circonscription de Genève). Ces 291 noms renvoient chacun à une histoire, à un visage. Je veux remercier les historiens, qui ont permis de ne pas oublier ces corps sans noms et ces noms sans corps. »

« C’est inédit dans le paysage français et européen. Nous voulions rendre l’hommage qui était dû à ces disparus aux combats, morts de maladies ou disparus dans la tourmente. Leur oubli les faisait mourir deux fois », souligne Nicolas Ducimetière, président de l’association.

En 1924, dans les immenses registres calligraphiés, il avait été difficile de retrouver la trace des soldats et officiers dont les vies chevauchaient d’une et l’autre partie de la frontière. Un siècle plus tard, l’association a pu s’appuyer sur les bases de données du site Mémoires des hommes pour aller ensuite croiser les sources avec les registres d’état civil et du recensement genevois.

De 18 à 75 ans, aussi bien garçons de café qu’aristocrates

L’enquête, menée par les deux historiens Marion Gros, assistante doctorante à l’université de Genève, et Thomas Cornaz, aussi assistant à l’Unige, a duré deux ans.

Ils ont retrouvé une multitude de profils, avec des soldats âgés de 18 à 75 ans, aussi bien garçons de café qu’aristocrates genevois. Parmi eux, Auguste Sonnard. Né à Genève, il s’engage à 21 ans depuis Annecy, prêt à intégrer le corps de la légion étrangère “pour la durée de la guerre”. Blessé lors de la bataille de la Somme, il décédera un an plus tard au poste d’évacuation tout proche de la frontière. Ou encore Léon-François Duret, Français installé dans la région genevoise. Employé de banque à la santé fragile, il sera à plusieurs reprises réformé par l’armée française. Mais, face à la crise des effectifs durant le conflit, il sera finalement appelé. Il décédera de la grippe espagnole.

« La France se souvient de tous ces héros et de ces héroïnes qui ont accueilli nos blessés et sauver de nos vies, a déclaré Marc Feracci, ministre délégué chargé de l’Industrie et ancien député des Français de Suisse. Ces 291 noms renvoient chacun à une histoire, à un visage. Je veux remercier les historiens qui ont permis de ne pas oublier ces corps sans noms et ces noms sans corps. »

Les recherches de l’association vont maintenant se poursuivre. Une cinquantaine de noms doivent encore être vérifiés. L’association Mémoires travaillera aussi à découvrir l’histoire de ses soldats oubliés, en s’appuyant sur les souvenirs des familles genevoises. Elle voudrait aussi, dans les prochaines années, éditer un ouvrage à destination du public. Pour graver, cette fois, leurs noms sur le papier.

« Ils étaient les frontaliers de l’époque »


  • Au-delà de ces 291 noms de soldats, c’est aussi tout une histoire transfrontalière de la mobilisation qui était une nouvelle fois mise en lumière.
  • Parmi les plus de 1 000 victimes du conflit mondial, on retrouve ainsi des Français originaires de Haute-Savoie et d’Ain qui se sont implantés en Suisse et qui ont été rappelés dans leur région d’origine, ainsi que des volontaires suisses pour qui la passivité était impossible.
  • « Ce qu’on voit en étudiant ces noms, c’est qu’ils étaient déjà très mobiles. Les fiches matricules notent les adresses des individus, et on voit qu’ils bougent selon là où est la famille, selon là où ils travaillent, entre France et la Suisse. Ils étaient les frontaliers de l’époque », souligne Erwan Le Bec, de l’association mémoire. Déjà, ils sont plusieurs à faire la navette entre la Vallée des Joux et le Doubs.
  • Ce sont ces néo-frontaliers, en 1914, qui se feront brutalement rappeler par le conflit. Une partie aurait pu en profiter pour rester à l’abri en Suisse, mais l’essentiel s’est engagé, pour défendre leurs familles, pour partir avec les amis.
  • « Il y a eu beaucoup d’engagés volontaires en 1914, suivant l’appel lancé depuis Paris par Blaise Cendras. Ce sont souvent des personnes d’origine sociale assez modeste : ouvriers, cavistes, artisans, etc. », précise Nicolas Ducimetière.

Suzie Georges, 11 nov. 2024
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