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Quand une famille accueillait des Juifs et faisait passer des armes sous les yeux et les oreilles des Allemands… Voici l’incroyable histoire de Madame Marcelle Mairot et de ses deux fils, qui s’est déroulée en 1943.
Marcelle Mairot, d’une personnalité ferme et bienveillante, est nommée en 1938 institutrice de l’école maternelle des Fins. Veuve, elle élève seule ses trois enfants, Yves, Gil et Suzette. En 1943, elle apprend par l’Inspection académique que l’école est réquisitionnée. La troupe s’installe au rez-de-chaussée, dans les classes transformées en dortoir. Les officiers sont logés dans les appartements de Marcelle Mairot. Deux d’entre eux s’installent dans la chambre des deux garçons, Yves et Gil, alors âgés respectivement de 19 et 18 ans.
Ce que les Allemands ne savent pas, c’est que Marcelle Mairot est résistante. Dès 1941, d’après un témoignage publié sur le site de l'AJPN (Association des Anonymes, Justes et Persécutés durant la période nazie) datant de 2014 et écrit par son fils Yves Mairot, qui décèdera en 2022, elle accueille dans son appartement des Juifs dans l’attente d’un passage en Suisse ainsi que des résistants. Ceci sera confirmé par Julien Helfgott, rescapé des Glières (mort en 2014), qui précise que « cela se faisait par un réseau avec lequel elle était en contact à Habère-Poche ». Parmi les résistants hébergés et cachés, il y a Charles Bosson, futur maire d’Annecy, précise Yves Mairot.
Rien n’arrête Marcelle Mairot, ni la mort de sa fille de 14 ans d’une fièvre typhoïde en 1942, ni l’arrivée des Allemands en septembre 1943. Malgré le contrôle d’un planton armé jour et nuit, son appartement continue à être le refuge des résistants. « Ce sont des amis, disait-elle à la sentinelle », raconte Michel Odesser, membre de l’association des Amis du Vieil Annecy. « Des émissaires de la Résistance venus pour 24 heures de Lyon ou de Bourg-en-Bresse sont accueillis », ou des jeunes venus de loin, en attendant de rejoindre le maquis, explique Yves Mairot, dans son témoignage. Des Juifs aussi y font escale avant de rejoindre la Suisse. Une situation dangereuse et presque ironique, quand on sait qu’une maigre cloison séparait les Allemands des résistants !
Ceci n’est pas sans rappeler la nouvelle Le silence de la mer , de Vercors, dans lequel un officier allemand réquisitionne la maison d’un homme âgé et de sa nièce, qui feront le choix du silence en signe de résistance passive. « Les officiers, certes, n’avaient rien à voir avec les sbires de la Gestapo (ou de la Milice pétainiste !), décrit Yves Mairot. Ils tentaient même d’amadouer ma mère, qui répondait aux tentatives des occupants par une attitude distante, sans équivoque possible ». Yves Mairot précise : « Ma mère eut l’habileté d’obtenir d’officiers occupants quelques renseignements sur les déplacements de la troupe qu’elle put communiquer à la Résistance ».
Quant aux deux fils de Marcelle Mairot, Yves et Gil, ils devaient montrer tous les jours un laissez-passer à un planton, dit Ausweiss, qui gardait l’entrée de l’école. Mais au bout d’un certain temps, la sentinelle ne prête « plus guère attentions aux allées et venues incessantes » des deux adolescents, explique Yves Mairot. « Rapidement nous vint à l’idée l’intérêt que nous pouvions tirer de cette conjoncture », poursuit-il. Avec Gil, ils décident alors de transporter et stocker à l’appartement des tracts et journaux clandestins qu’ils se chargent de distribuer, en les cachant dans leurs sacoches de vélo. Les documents proviennent de l’imprimerie coopérative l’Abeille située rue Président-Favre, gérée par Antoine Opinet et le fromager Fernand Reignier, explique Michel Odesser. Ces journaux repartaient ensuite vers les différents points de distribution. « À différentes reprises, nous fîmes de même avec des armes à destination du maquis », détaille Yves. Les mitraillettes Sten sont démontées et empaquetées dans les sacoches du vélo. Tout cela sous haute surveillance des Allemands !
Marcelle Mairot mourra à l’âge de 84 ans. Dans le journal de l’ANACR 74, on trouve l’annonce de son décès avec ces mots : « Son logement fut lieu de passage, de refuge, d’aide pour beaucoup. » Gil et Yves mourront respectivement en 2018 et 2022. La femme d’Yves, Danièle Borderie Mairot, a créé l’association pour la mémoire et la promotion de l’œuvre de son mari.
Au printemps 1944, les Allemands attaquent le maquis des Glières et provoquent sa chute. Beaucoup de résistants sont condamnés à mort. Ils sont emprisonnés à la prison d’Annecy avant d’être transférés à la prison de Montluc (Lyon). Marcelle Mairot ira régulièrement à la prison d’Annecy visite et réconforter les prisonniers, dont Gaston Grinbaum.
Lorsque la Royal Air Force bombarde la prison de Montluc, certains s’échappent. Quatre rescapés iront se réfugier chez Marcelle Mairot, à l’école des Fins, comme le jeune résistant Gaston Grinbaum. Le fils de Gaston Grinbaum témoignera de ces actes dans une lettre datant de février 2015.
Les prisonniers des Glières pris par la Milice remis aux Allemands sont partis à Dresden et Leipzig pour effectuer des travaux forcés. La plupart des prisonniers faits par les Allemands ont été fusillés, explique l’historien Michel Germain.
Le DauphinéLouise de Maisonneuve, 9 juillet 2024
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