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Délégation de la Haute-Savoie (74)
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Saint-Cergues — « La grenade a explosé dans un grand bruit » : Jean Novel se souvient du 16 août 1944, il avait 13 ans et demi

Jean Novel et la photo de son cheval adoré, Loulou. Photo Le DL /S.Pe.

Il connaît l’histoire par cœur mais il aime à rappeler les événements du 16 août 1944. Jean Novel avait 13 ans et demi et il se souvient de cette journée particulière vécue avec ses parents, son frère, et sa sœur.

À Saint-Cergues depuis toujours, Jean Novel a maintenant 93 ans. On lui demande s’il peut se replonger dans ses souvenirs du jour de la Libération de la commune. Car même s’il n’avait que 13 ans et demi, il se souvient bien des événements qui ont émaillé cette journée.

Très vite, il recontextualise ce 16 août, le Débarquement des Alliés en Provence le 15 août 1944 et les résistants qui résistent pour que les Allemands, basés sur le territoire genevois, n’aillent pas renforcer le front du sud. Il se souvient aussi du rôle du maquis du Chablais et de ceux descendus de Boëge à Machilly et à Saint-Cergues.

Loulou, le cheval qui a résisté à une grenade allemande

« Les troupes FTP de la vallée de Boëge avaient pour mission d’attaquer le verrou allemand de l’Hostellerie savoyarde, située sur la commune de Machilly et le détachement de la Wermacht installé à l’hôtel Val Fleury près de la gare à Saint-Cergues », précise Jean Novel. Il se souvient alors des trois compagnies de FTP, la compagnie 93-24 (F.T.P.F) du lieutenant Degenève, la compagnie 93-15 (F.T.P.F) du lieutenant Franquis ou la compagnie 93-22 (F.T.P.F) du lieutenant Jacky. « On était à 200 m de la maison de chez mes parents », dit-il.

Le 16 août 1944, il est 7 h quand il est réveillé par ses parents avec son frère de 4 ans et sa sœur de 11 ans. « Je n’ai pas compris tout de suite. La cuisine était remplie de maquisards armés et nombreux. Mon papa étant originaire de Boëge, il les connaissait pour la plupart. Ils ont bu le café et ils nous ont demandé de partir, ne pouvant présager de la réaction des Allemands. » Avec ses parents, son frère et sa sœur, ils chargent alors le tombereau (la charrette) du cheval. « On est parti vers 8 h, direction le village des Dombres, juste au-dessus de Saint-Cergues. On a même fait un demi-tour car ma maman avait oublié ses chaussures préférées et elle a eu peur que les Allemands mettent le feu au village. » La famille reste une partie de la journée aux Dombres. «

Pendant qu’on était aux Dombres, une colonne allemande est montée d’Annemasse et se trouvait à 200 m de chez nous. »

Car plus bas, c’est l’affrontement, les coups de feu résonnent. « Tout s’est passé très vite. Vers midi, les communes de Saint-Cergues et de Machilly étaient libérées. On est redescendu. On était des enfants, on n’a pas tout réalisé », se confie-t-il. Pourtant, il rajoute que le même jour, le 16 août, l’épouse de Marcel Tardy (fameux menuisier charpentier sur la commune) était enceinte. « Dans ce chaos, elle a dû accoucher et elle l’a fait à Montauban sur les hauteurs du village. »

Quinze jours plus tard, c’est un mercredi, la veille de la foire de Crête à Thonon qui a lieu chaque premier jeudi de septembre. Jean Novel est dans le champ à côté de la maison fauchant le regain avec son cheval, Loulou. L’animal bute alors sur un objet, c’est une grenade offensive allemande. « La grenade a explosé dans un grand bruit. Le cheval s’est emballé avant que mon père ne réussisse à l’arrêter », raconte-t-il. « Le cheval saignait. Mon père a dit, il est foutu. Moi aussi j’avais du sang sur moi. J’ai dit à mon père, et moi ? ». Le cheval a été enrubanné et finalement sauvé. « Moi, on m’a descendu à la clinique de Savoie à Annemasse car on avait peur que mon canal lacrymal soit coupé. »

Plus de peur que de mal, et même très bon souvenir : Jean Novel est rentré à Saint-Cergues dans le tilbury, voiture hippomobile, d’un maquisard qui se rendait à la foire de Crête. « Mon cheval s’appelait Loulou, c’était un cheval de trait, je l’adorais. » Cette histoire de la Libération n’allait pas s’achever sur la mort de son animal préféré.

Sabine Pellisson, 14 août 2024
Lieu de mémoire en lien :
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Détail

Le bois Davaud et sa statue sont un monument de mémoire, qui rend hommage aux quatre jeunes martyrs de Saint-Cergues qui furent fusillés en 1944 par l’armée Allemande.

Lieu : Saint-Cergues