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Dans le silence des rues de Saint-Paul-en-Chablais, un homme marche, ému, de vieux carnets dans les mains. Joe Carson, retraité américain, revient en ce mois de juillet 2025 sur les traces de sa mère, Louise Rosenbluth, cachée dans ce village haut-savoyard pendant la guerre. Ici, chaque pierre, chaque arbre, porte l’empreinte de l’histoire d’enfants juifs qui ont survécu grâce au courage d’anonymes.
Née en 1931 à Anvers, Louise grandit dans une grande famille juive soudée qui a dû fuir la Pologne. Mais en mai 1940, l’invasion de la Belgique par l’armée allemande contraint la famille à partir en France. Après un périple éprouvant, celle-ci trouve refuge à Vicq, dans l’Allier. Le répit est de courte durée : en 1942, le père de Louise et d’autres hommes de la famille sont arrêtés puis déportés à Auschwitz , laissant femmes et enfants dans la peur et l’incertitude.
Pour protéger Louise, sa mère décide de la confier à l’OSE (Œuvre de secours aux enfants), qui organise le sauvetage d’enfants juifs dans la France occupée. Louise est d’abord cachée au Broût-Vernet (Allier) avec ses cousins et cousines avant d’être transférée à La Chaumière , à Saint-Paul-en-Chablais, en 1943. Cette grande maison surplombant le Léman est alors un refuge discret où une soixantaine d’enfants tentent de retrouver l’insouciance de leur âge malgré la guerre.
Là-bas, Louise retrouve le goût du jeu, apprend des chansons, souffle ses bougies, entourée de camarades qui, comme elle, vivent avec l’absence de leurs parents et la peur diffuse des arrestations. Mais en septembre 1943, la zone italienne tombe sous contrôle allemand et le risque de rafle grandit. Avertie de celle de Chambéry , en février 1944, en pleine nuit, sans laisser de traces, l’OSE décide de disperser les enfants pour les protéger. Louise est envoyée dans un couvent à Grenoble sous une fausse identité, puis placée dans une famille à La Sône, en Isère. À seulement 13 ans, elle doit encore changer de vie pour échapper à la persécution.
Elle revient à La Chaumière en décembre 1944 après la Libération. En mai 1945, la guerre terminée, Louise retrouve sa petite sœur Betty qu’elle n’avait pas vue depuis près de deux ans. Betty, à peine 5 ans, ne reconnaît pas sa sœur. En juillet 1945, Louise, alors âgée de 14 ans, reçoit de tout petits carnets dans lesquels elle consigne ses souvenirs de La Chaumière : des chansons, les anniversaires de ses amis, leurs surnoms, des mots d’amitié échangés avant les séparations.
Leurs parents, eux, ne reviendront jamais. Rapatriées en Belgique, les deux sœurs sont recueillies par une tante avant d’embarquer en 1947 pour les États-Unis. Direction Atlanta où une autre tante les accueille. Louise devient Lucy et tente de se reconstruire.
Elle y grandit, devient épouse, mère, puis grand-mère, sans jamais oublier les montagnes de Haute-Savoie où elle a trouvé refuge. En 1985, elle revient en France avec Joe, son fils, sur les lieux de son enfance clandestine. Elle y retrouve La Chaumière , Vicq, les chemins de son exil, et rencontre celles et ceux qui se souviennent encore des enfants cachés. Elle reviendra une seconde fois en 2010, notamment pour une cérémonie organisée à Vicq pour remercier et honorer les habitants du village.
Lucy est décédée en septembre 2024 à l’âge de 93 ans. Aujourd’hui, Joe Carson poursuit son engagement : en ramenant les carnets de sa mère en France, il partage ses souvenirs, donnant à l’histoire de sa mère une portée universelle.
Pour lui, revenir à Saint-Paul-en-Chablais, c’est faire vivre la mémoire de sa mère et celle des enfants de La Chaumière. Une histoire d’exode, de survie et de résilience, mais aussi d’humanité, où des anonymes ont osé protéger des enfants au péril de leur sécurité.
À travers le parcours de Louise devenue Lucy, c’est la petite histoire qui éclaire la grande. Elle rappelle qu’au cœur des pires ténèbres, des solidarités discrètes ont permis à des enfants de survivre. Et qu’aujourd’hui encore, ces histoires méritent d’être racontées pour ne jamais oublier ce que signifie protéger l’humanité.
Le DauphinéMattéo Noel (avec Virginie Drocourt), 7 août 2025
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